Nous avons parlé il y a qques temps de l'album "Imagine" de John Lennon, son deuxième en solo, une vraie réussite.
L'ex-Beatle a eu la bonne idée de laisser une caméra pénétrer chez lui, à Ascot, pendant l'enregistrement de cet album et de suivre la manufacture de celui-ci, presque de A à Z. Et cela s'appelerait : "Gimme some truth - the making of the Imagine album film".
Un DVD de ce faux documentaire a été édité il y a qques années, avec bonus, et cela fait évidemment plaisir. En effet, il est rarement possible de rentrer aussi précisément dans la maison et les studios d'une star comme John Lennon qui y enregistre l'un de ses albums phares.
Le livret du DVD nous indique peu de choses sur le pourquoi du comment mais nous livre qques jolies photos et informations sur l'album. Il raconte que Lennon a fait construire un studio d'enregistrement dans sa baraque de Tittenhurst Park, a fait venir Phil Spector pour le co-produire ainsi que "les meilleurs musiciens" du moment. Et le résultat est une oeuvre qui capture à la fois l'idéalisme et la colère de Lennon.
Entrons donc dans l'intimité du couple Lennon le temps d'un album mythique...
L'histoire commence avec une vue d'hélicoptère sur la belle demeure victorienne du sieur Lennon, nous sommes en mai 1971. Et il est déjà là en train de parler, d'accorder sa guitare, son groupe autour de lui. Yoko Ono intervient par-dessus, en voix off, expliquant qu'au départ, l'idée était de faire venir qques amis pour le petit déjeuner et de s'amuser ensuite en studio.
Lennon est en forme, jouant déjà avec la caméra. Peu après, il prend Nicky Hopkins avec lui pour lui montrer comment jouer "Imagine" au piano. C'est déjà très prenant de le voir jouer comme ça, très impliqué. Nicky Hopkins dit qu'il aime bien, Lennon aussi. Puis Yoko s'en mêle en suggérant qu'Hopkins la joue avec une octave plus haut. Et tout le monde approuve dont un jeune gars qui a l'air très enthousiaste et qui pousse des "Yeah" idolâtres.
On retrouve alors Lennon, un casque sur les oreilles, jouant et chantant "Imagine" sur son grand piano blanc, dans une pièce toute blanche et vide. Yoko est assise par terre, et l'écoute. Peu après, on voit Lennon et Phil Spector réécouter la bande et discutant du résultat. Yoko suggère à nouveau un piano de plus, une octave plus haute, tandis qu'un blondinet conseille de ne pas intégrer de batterie. Finalement, les deux producteurs envoient Alan White jouer de la batterie au côté de Klaus Voormann à la basse.
Ensuite, un peu de comédie. Lennon et Hopkins jouent ensemble sur le piano blanc. Lennon envoie sa femme ailleurs parce qu'elle gêne, elle lui donne des conseils au casque, puis on lui fait savoir qu'il vaudrait mieux enregistrer ailleurs à cause du son qui se répand trop dans la grande pièce blanche. Lennon s'en moque en faisant le guignol devant la caméra...
Autre séquence ensuite, Tariq Ali, commentateur politique d'origine pakistanaise, Régis Debray, essayiste français (entre autres !), Robin Blackburn, historien britannique, ainsi qu'une femme non identifiée, viennent rendre visite à Lennon. Le couple leur montre les projets de pochette du futur album. Tariq Ali approuve les paroles de "Imagine" mais Lennon tient à lui parler des autres chansons, dont "Crippled Inside" dont il chante un couplet qui fait rigoler la galerie.
On enchaîne avec la chanson en question diffusée sur des images montrant John et Yoko essayant désespérément de se promener en barque. Puis des images d'une party chez les Lennon où participent notamment Miles Davis (qui joue au basket avec Lennon devant le garage où trône notamment sa Rolls Royce psychédélique), Jack Nicholson, un certain Stanley Michels, le chanteur américain Fred Hughes, la réalisatrice d'avant-garde Shirley Clarke, Andy Warhol. Ensuite, toujours sur la chanson, les Lennon se font une expo d'art moderne...
Nouvelle séquence, très comique, Lennon et Spector sont devant un micro d'enregistrement. Les deux doivent faire les choeurs pour "Oh Yoko !" mais l'ingénieur du son n'arrive pas à caler le bon moment, ce qui agace particulièrement les deux producteurs. Yoko se charge d'engueuler le technicien pendant que les deux chanteurs s'impatientent et fument... ça ne vient toujours pas, l'ingénieur envoie toujours le mauvais bout et Spector lui vient en aide. Retour devant le micro, l'ingénieur stoppe tout, indiquant qu'il n'entend pas les chanteurs qui n'ont pas commencé à chanter, Lennon réplique ironiquement. Puis c'est au tour de Spector de chanter, il se plante. Yoko et John se mettent à lui montrer comment le faire. Une très belle séquence.
La chanson peut commencer... John essaye des fringues tunées par Yoko, puis on retrouve les deux se cherchant dans une forêt brumeuse : "John !", "Yoko !". Ils sont tout de noir vêtus, se retrouvent, se sautent dans les bras, et s'enlacent.
Puis ils prennent le petit déj sur leur terrasse, toujours sur l'air de "Oh Yoko !". John est en yukata, se lève, se tourne rapidement en s'exhibant, grondé par une Yoko amusée. Puis vient l'heure du bain. Ils sont à poils dedans évidemment, sans gêne. Puis les voilà dansant à New-York, puis sur une plage, puis s'embrassant sur un banc, toujours à New-York sans doute. Puis il fait nuit sur Ascot.
Place ensuite à un bout d'interview de la BBC, dans leur maison. La journaliste leur demande ce qu'ils pensent des nouvelles relations amoureuses. Lennon indique que quand il est très possessif mais que le fait de "posséder" qqu'un est dégueulasse même si lui le fait, et qu'il est très jaloux. Et justement, on enchaîne avec une séquence très belle, John enregistrant le chant de "Jealous Guy". Un casque sur les oreilles, il chante dans le micro d'enregistrement les yeux quasiment fermés... Parfois, on voit des images de John et Yoko au Japon, dans un temple, visitant ou jouant à la pétanque (!). Puis assis sur un banc à contempler la nature. Retour à John sifflant dans le micro. Vers la fin, des images subliminales de Yoko en train de verser des larmes... peuchère... A la fin, l'ingénieur lui dit que c'est génial, Lennon le traite de menteur avant de remercier Spector pour son travail, lui disant qu'il est très heureux de bosser avec lui. Yoko est tout sourire, assise dans le studio.
"Prochain morceau" lance Spector et on enchaîne avec "It's so hard". Sur cette chanson, on voit des images de John et Yoko se rendant en Rolls à une promo du livre de Yoko, "Grapefruit". dans une librairie. John se change dans la voiture, mettant son t-shirt jaune à l'effigie du bouquin, et faisant le pitre. La foule est nombreuse, ils signent des livres, boivent du jus de pamplemousse...
Nouvelle chanson, nouvelle séquence. On parle de Paul... Autour d'une grande table, John explique qu'il veut les mettre les paroles de ses chansons dans la pochette de son album pour que les gens puissent les lire, alors que Paul lui ne les met pas et qu'en plus, on ne l'entend pas. Spector réplique en demandant qui voudrait de l'album de Paul. John répond que ce n'est qu'un exemple...
C'est une séance de travail, George Harrison est là. Ils traduisent "Mako love, not war" dans toutes les langues. Spector donne la version française : "Fait l'amour, pas le guerre" nous indiquent les sous-titres ! Lennon balance : "Est-ce qu'il s'agit de TON français ou bien ?", et tout le monde se marre... Yoko clame qu'elle va vérifier. Lennon reprend en disant qu'il ne voudrait pas mettre qque chose du genre "Pas d'amour, toi la guerre" ! Puis ils le disent en allemand.
Puis John indique à son "gang" de le suivre pour aller écouter sa chanson. George conlue d'un loufoque "Une vie typique dans le jour de John Lennon".
Suivent des images d'une manifestation à Londres. John et Yoko y participent avec "I don't want to be a soldier mama" en fond. On entend ensuite Lennon répondre à la journaliste de la BBC de toute à l'heure. Il parle de la guerre, qui est aux portes de l'Angleterre avec le conflit en Irlande du Nord et de toute la violence que cela implique. Il pense que ces sujets sont plus importants que ceux dont raffolent les gens en général, du genre "savoir si qqu'un a déjà couché avec une ado". Ils pensent que les gens ont tendance à parler de n'importe quoi parce qu'ils ne veulent pas faire face à la réalité... Bien dit John.
On repart donc avec "Gimme some truth". On voit John devant son micro tenter de placer le refrain mais il s'arrache la gorge à la "Eddy Cochran". Ils ont encore un peu de mal à la lancer, ce qui irrite Lennon. Puis ça repart de plus belle, et Lennon livre ici une très belle performance de chanteur, s'arrachant pour aller au bout de ses longs vers et de ses convictions par la même occasion... La fin est excellente, Lennon balance ses paroles et finit encore plus fort avant de s'arrêter en disant "Ah ça c'est la vérité", parlant de sa bonne performance. Il a l'air content et réécoute en faisant le pitre dans le studio. Bravo M. Lennon.
Une autre belle séquence à suivre : "Oh my love". Réunion en studio autour de Lennon au piano et Harrison à la guitare slide. Yoko les guide. Entre temps, Lennon continue de répondre à la BBC, indiquant que sexe et amour ne sont pas obligés d'aller ensemble, car lui a apprécié de l'amour sans sexe et du sexe sans amour dans sa vie... Souvent, ils viennent ensemble mais souvent, ils ne viennent pas ensemble non plus. Yoko ajoute que l'amour a qque chose à voir avec la relaxation. Elle pense que l'amour vient quand on le comprend et qu'ensuite, on est détendu. Cela marche pour John et Yoko. CQFD.
Allez, retour à John qui chante "Oh my love". De belles images. Gros plan sur John chantant les yeux quasi-clos et jouant du piano, Harrison concentré sur sa guitare. Soudain un clac, et John engueule le caméraman sans doute, qui change ses bobines pendant la chanson ! Alors ils reprennent, introduit par le beau toucher d'Harrison... Vient la fin, tout le monde s'arrête, John finit une canette de bière posée sur son piano et indique qu'il veut entendre les fins de phrases de guitare de George (avec raison, c'est splendide).
Nouvelle séquence autour de la table à manger. George demande à John s'il a vu des Beatles récemment. John réplique qu'il n'a pas vu "Beat Les" récemment, non. Il enchaîne sur son jeu de mots, indiquant que ce dernier marche bien en Suède où il est numéro 5 (des charts). Puis la valse sur les Beatles continue quand Yoko sert du thé à George. John parle de George en tant que Fab Four mais celui-ci répond qu'il est Fab Three.
Puis on retrouve les deux ex-Fabs en studio. Un Lennon hilare joue du piano et chante en même temps "How do you sleep ?" pour George. John conclue en disant : "C'est la chanson méchante". Puis tout le monde est en studio pour enregistrer le morceau. John montre à Nicky Hopkins comment la jouer au piano car lui est à la guitare. Les images d'ensemble sont là encore excellentes et John est plus impliqué que jamais. Puis il s'arrête, un souci avec sa guitare. Yoko intervient alors et vient confier à John qu'elle trouve ses musiciens trop décontractés et qu'ils improvisent trop. John lance immédiatement : "Arrêtez d'improviser !". Puis elle s'en va donner des conseils à Hopkins sur la manière de jouer le morceau... Assez hallucinant... Mais Lennon est d'accord et rappelle à tout le monde qu'il s'agit d'une chanson méchante et qu'il ne faut pas qu'ils se laissent trop aller dans le swing.
Suit une séquence très intéressante. Un jeune fan s'est introduit dans la propriété des Lennon et John s'en va lui parler sur le pas de sa porte. Il essaye de le raisonner, lui disant qu'il ne faut pas qu'il compare les paroles des chansons avec sa propre vie. Il lui dit qu'il est juste un type normal qui écrit des chansons, c'est tout. Le fan avoue qu'il pensait avoir une réponse en rencontrant Lennon mais qu'il est probablement trompé. Lennon insiste alors, lui confirmant qu'il n'y avait rien, qu'il est juste un type normal. L'autre lui parle alors des paroles de "Carry that weight". John lui dit que c'était Paul qui la chantait et qu'ensuite, quand il chantait, c'était à propos de lui-même, ou de Yoko pour une chanson d'amour. Autrement, de tout ce qui le concernait lui, sa vie, et pas forcément celle des autres. Ensuite, sympa, il l'invite à manger un bout...
"How" résonne ensuite. On voit le jeune fan tremper une tranche de pain dans une tasse, l'air hagard. Puis John enregistre dans son micro. Il s'accroche à son casque et donne tout ce qu'il a... Magnifique... Puis c'est fini, ça discute dans la régie au sujet de certains vers. Yoko et Phil lui donne des conseils, il s'incline : "Vous êtes tous les deux, je perds". De très beaux plans suivent, des gros plans de Lennon dans la pénombre de la régie, devant choisir entre plusieurs séquences de chant.
Ensuite, Lennon prend connaissance d'un mini bungalow qui sera installé sur une petite île au milieu de leur lac. John et Yoko apprécient et vont sur l'îlot pour montrer où est ce qu'ils veulent l'implanter exactement. Puis Julien, le fils de John, les interpelle de l'autre côté de la rive.
"Imagine" retentit, John se fait prendre en photo pour la pochette de l'album. Yoko lui dit de penser à des nuages. Puis on voit Lennon en régie écoutant justement le morceau en question. Le film enchaîne et se termine sur le "clip" de la chanson. John jouant au piano et chantant dans son grand salon blanc tandis que Yoko ouvre les volets, habillée en princesse, avant de le rejoindre sur le tabouret du piano. Et ils s'embrassent... Dernière pirouette de John sur un siège, tête de clown. Et le générique prend place sur une démo de "Look at me", avec pour image, John et Yoko marchant sur une plage, en direction de la mer... C'est beau...
Ainsi, il s'agit d'un très beau film, qui apporte surtout pour sa qualité documentaire. C'est bien peu mais voir Lennon enregistrer sous la houlette de Spector et en compagnie d'excellents musiciens, cela reste exceptionnel. Au final, on voit peu d'images par chanson et on imagine (ah ah) qu'il en reste encore beaucoup en boîte mais on se contentera déjà de cela. On sent John maître de son travail mais tout de même bien coaché par Yoko qui n'hésite jamais à mettre son grain de sel. En mal ou en bien, on ne sait pas trop mais elle est omniprésente, c'est un fait. Tout le monde la suit en tout cas, même Spector qui regarde tout ça de sa régie, en grand sage de la musique.
Les séquences d'enregistrement sont donc très prenantes et intéressantes. Elles montrent souvent le morceau en version quasi finale mais c'est déjà pas mal. Elles se mêlent assez bien aux images de la vie quotidienne des Lennon, plus ou moins jouées. La caméra est là et ce n'est pas Loft Story pour autant. Lennon joue constamment avec et aime à se mettre en scène. C'est ainsi que les moments où il est concentré dans la musique, où il s'énerve, sont les plus frappants.
On ne peut donc que remercier le couple Lennon de nous offrir ce moment privilégié dans leur vie.
Les bonus du DVD sont assez minces malheureusement. Ils nous offrent l'interview de la BBC en entier. Celle-ci est intégralement tournée vers le sexe et les Lennon en parlent sans gêne évidemment. En tout cas, quel artiste et surtout quel média oserait aujourd'hui en parler de cette manière ?
Puis on a la discographie de Lennon avec l'extrait d'un morceau de chaque album pour illustration... Pas grand chose de plus.
En conclusion, ce film est un incontournable à avoir pour tout fan de Lennon mais aussi de musique. Il présente un grand intérêt dans le pur aspect musical et offre la possibilité d'en connaître un peu plus sur la personnalité de l'un des plus grands artistes de ce siècle, alors au top de sa forme et de sa carrière solo. Cela ne durera pas...
jeudi 2 juillet 2009
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