mercredi 5 juin 2013

Concert : Sixto Rodriguez - Zénith

C'était mon dernier concert avant mon grand départ de Paris et quel concert. L'attente était grande, malgré des doutes, et le résultat n'a évidemment pas été à la hauteur des espérances. Mais quand même, j'étais très heureux d'avoir pu décrocher un billet pour voir "en vrai" ce sacré bougre de Sixto Rodriguez.

C'est grâce à "Sugarman", sa chanson phare, que je l'ai découvert, quelques mois avant de voir le documentaire du même nom qui lui a donné une renommée tardive, mais mondiale et ô combien méritée. Sixto Rodriguez, c'est l'homme de deux magnifiques albums datant du début des années 1970, avant de tomber dans un certain oubli, sauf en Afrique du Sud et en Australie où il a eu de rares moments de gloire. Le reste du temps, ignoré dans son propre pays, il a vécu sa vie de manière modeste, sur des chantiers.

La musique folk, subtile et profonde, du chanteur d'origine latino et amérindienne a survécu elle grâce à une poignée de fans. Cela lui a permis de renaître à l'orée des années 2000, jusqu'au documentaire qui a tout bouleversé. Depuis, Sixto Rodriguez tourne, tourne, tourne... malgré la vieillesse, une vue chancelante et un goût pour l'alcool assumé... J'étais donc prévenu, mais j'avais envie, comme tout le monde, de voir le chanteur sur scène, interpréter en live son excellent répertoire.

J'ai eu la chance de prendre des tickets un peu au dernier moment pour le premier de ses deux concerts supplémentaires au Zénith, celui de la Cigale étant complet. J'espérais ainsi profiter de la fraîcheur du premier concert, malgré les manques d'ajustements possibles. La salle, que j'affectionne plutôt, était pleine comme un ballon et mon amie Audrey, qui m'accompagnait, était bien heureuse de voir le groupe français (mais qui chante en anglais) Jill is lucky en première partie.

Malgré la voix nasillarde et maniérée du chanteur-guitariste, ce fut plutôt très bien. D'habitude plus nombreux, ils ne sont venus qu'à trois, avec deux guitaristes et un violoncelliste (la bonne idée du trio). Je ne connais pas vraiment leur musique, mais Audrey m'a assuré qu'ils avaient fait un set spécialement en acoustique, très folk, pour coller à l'ambiance du concert, car ils sont proches de l'électro autrement.

Après cette agréable mise en bouche, nous n'attendions plus que le grand Sixto. Il a débarqué sur scène après 30 minutes d'attente, soutenu vaillamment par sa compagne qu'il a embrassé avant de commencer son show et sans avoir oublié de revêtir son chapeau et ses lunettes de soleil qui font partie de sa panoplie de cowboy mystérieux de la chanson.

Autour de lui et de sa guitare, un groupe très correct doté d'un jeune guitariste lead, un gros bassiste placide, un vieux batteur et un clavier. Le concert n'a pas trop mal commencé, même si on pouvait déjà bien entendre sa voix vieillie. Mais dès la troisième chanson, les choses ont fini par se gâter, Rodriguez déraillant régulièrement, chantant faux la plupart du temps et surtout n'arrivant jamais à terminer correctement ses morceaux. A chaque fois, une fin brutale, presque improvisée.

Puis le jeu de guitare du chanteur mystique était au-delà du n'importe quoi... Il semblait trifouiller ses cordes un peu comme s'il ne savait pas en jouer, sans médiator, et le micro de son instrument semblait constamment débranché entre chaque chanson, car il touchait parfois les cordes sans que l'on puisse entendre aucun son. Bizarre.

Il n'y avait donc pas grand chose à sauver de ce rapide tour de chant (une heure et quart), si ce n'est quelques morceaux où le vieillard n'avait pas besoin d'aller trop dans les aiguës, son principal défaut. Ses quelques prises de parole n'ont pas été très convaincantes non plus, quelques grands slogans sur la vie et l'amour et une blague impliquant  Mickey que personne n'a comprise (mais tout le monde a rigolé, car le public a été vraiment très indulgent, heureusement).

Sixto Rodriguez a aussi laissé apparaître au grand public son penchant pour l'alcool, demandant plusieurs fois à boire, mais du vin, pas de l'eau. Ceci doit expliquer en partie son incapacité à donner un récital correct de nos jours. Son guitariste, qui faisait presque office de boy, semblait constamment paniqué de l'attitude de son "maître". C'était souvent le malaise et le public a bien fait de se montrer encourageant malgré ces moments assez hallucinants de nos jours.

Au final, on aura entendu la plupart des chansons qui composent ses deux albums, ainsi que quelques reprises de Elvis ("Blue Suede Shoes"), Dylan (un "Like a rolling stone" pas trop mal) et "La Vie en rose", version anglaise.

C'était sans doute l'un des plus mauvais concerts que j'ai pu voir vocalement parlant, mais je ne cracherai pas dessus comme tant d'autres. J'imaginais bien que je n'allais pas retrouver le Sixto Rodriguez des années 1970, même si je ne pensais pas que les années et un certain amateurisme feraient autant de ravages. Ce monsieur a quand même du courage de se présenter telle une bête de foire sur toutes ces scènes avec ses faibles capacités actuelles. On n'a pas l'impression qu'il s'en rend compte. Nous si, mais tant pis, c'est quand même un sacré bonhomme et ses albums méritent d'être écoutés et salués encore et encore.