Six ans après les avoir vus pour la dernière fois à Paris, j'avais la chance cette semaine de pouvoir assister à un nouveau concert de Jamiroquai. Chanceux parce que c'était au Brésil, à São Paulo, et qu'il s'agissait du dernier show de leur tournée mondiale JamiroquaiLive2017. Donc plutôt que de la fatigue, on a ressenti au contraire d'autant plus d'enthousiasme de la part du groupe, qui nous a gratifié d'ailleurs d'une ou deux chansons de plus par rapport à leurs sorties précédentes.
Le concert se déroulait au Citibank Hall, une salle qui paraît grande de l'extérieur, mais ne l'est pas tellement à l'intérieur. Elle fait la taille d'un Zénith (de Paris) je dirais, avec une fosse (désormais coupée en deux, où tu payes plus cher pour être devant, je trouve ce nouveau concept marketing abusé) et un grand balcon de places assises au-dessus, où nous étions, ma chère et tendre et moi. Nous avons bien tenté de gratter d'être au milieu et un peu bas, mais places numérotées obligent, nous avons été forcés d'aller à nos sièges respectifs, tout en haut presque dans un coin. Mais peu importe, c'était bien quand même.
Contrairement aux trois concerts de Jamiroquai que j'avais vus par le passé, pas de première partie. Comme je l'avais constaté aussi à Bercy la dernière fois, les fastueux décors, c'est terminé, place à une scène réduite et des écrans lumineux avec animations des plus basiques.
Passons au show. Honnêtement, je ne savais pas à quoi m'attendre avec cette nette baisse de popularité, les années qui passent... et cela a été finalement une agréable surprise. Une nouvelle coiffe hautement technologique (continuellement en train de changer de couleurs) pour Jay Kay, qui a certes pris du poids - mais se permet encore quelques pirouettes - et n'a pas quitté son survêt' (et ses gants !), mais possède toujours une voix divine. Avec lui, le groupe - pas présenté par Jay Kay, mauvais point - est lui aussi continuellement au top : du bassiste au guitariste, en passant par le batteur, les claviers, sans oublier trois choristes extra.
Côté setlist, Jamiroquai a fait la part belle à son dernier album, "Automaton", avec un tiers de la programmation, ce que je trouve bien (ce n'est pas leur meilleur album, de loin, mais je trouve ça sérieux de ne pas céder aux appels de ne plus faire que du best of pour des artistes dont le sommet de la carrière est déjà loin). D'ailleurs, la plupart de ces morceaux ont été très bien reçus.
Moins évidemment que les standards, dont "Virtual Insanity" a été une nouvelle fois écarté, qui ont déchaîné un public brésilien merveilleux. Sur le balcon, malgré les sièges, la quasi-totalité des gens était debout du début à la fin et se déhanchait avec une belle énergie. Parmi ces hits, le groupe a navigué de manière très équilibrée entre ses albums, des plus vieux aux plus récents. Mon préféré, "Love Foolosophy", ma découverte, "Hey Floyd". Le must : tous les morceaux bénéficiaient d'une durée allongée, de six-sept minutes facilement, avec la part belle à la musique. En revanche, comme à son habitude et malgré un rappel chaud bouillant du public, Jay Kay et sa bande n'ont pas excédé d'une chanson ("Deeper Underground") leur retour sur scène (on mettra cela sur le compte de la durée du show, il était environ minuit).
Au final, je pense pouvoir dire qu'entre les quatre concerts de Jamiroquai auxquels j'ai pu assister, celui-ci obtient facilement la deuxième place (la première va à celui de Marseille, à la "grande" époque encore). Devant un public loin d'être tout jeune mais extrêmement chaleureux, le groupe, visiblement enthousiasmé par l'ambiance, a offert un show très solide musicalement, tandis que la voix, le charisme et le groove de Jay Kay ont fait le reste. Yeah, yeah, alright !
mercredi 20 décembre 2017
jeudi 2 novembre 2017
Concert : Paul McCartney - Mineirão
Cette fois, j'y étais ! Après l'avoir manqué lors de son dernier passage au Brésil en 2014, je n'ai pas raté l'occasion d'aller applaudir Paul McCartney une sixième fois et pour la première fois hors de Paris.
L'ex-Beatles était de passage en terre auriverde dans le cadre de sa tournée "One on one", qui est passée principalement aux Etats-Unis (pour changer). Cette fois, il n'est pas passé à Rio, donc c'est à Belo Horizonte et son stade du Mineirão que je me suis rendu pour le show. São Paulo, le plus près pour moi, était complet, tandis que Porto Alegre et Salvador étaient trop éloignés.
Comme vous pouvez le constater dans mes compte rendus, plus je vois Paul McCartney et moins la magie opère en raison de son grand manque de renouvellement scénique. Toutefois, il y avait ici une grande nouveauté : le voir au Brésil, pays qui possède, selon une grande majorité d'artistes, le meilleur public au monde.
Au moins, contrairement à la France, l'ex-Beatles y fait le plein (malgré des prix prohibitifs) et possède ici une solide base de fans qui a traversé les générations sans perte de popularité. Je vois encore beaucoup de jeunes porter des éléments "The Beatles", vêtements ou autres. Le groupe est sans conteste le plus populaire parmi les étrangers et cela risque de se maintenir encore longtemps.
Cela s'est vérifié durant le concert. Le public était vraiment très varié et d'une chaleur incomparable. Ici, les gens dansent, chantent, crient, applaudissent et offrent une véritable ambiance pour les artistes qu'ils chérissent : Macca s'est retrouvé une ou deux fois obligé de dire au public de s'arrêter de l'encourager. C'était un vrai bonheur, compensant le fait de me retrouver une fois de plus en tribune (sur le côté de la scène).
Côté show, toujours les incontournables : pas de première partie si ce n'est DJ Chris et ses remixes de chansons des Beatles et Paul solo jouées durant une petite heure pendant que des montages de photos défilent sur les écrans, le groupe sobre et efficace (malgré ses défauts, déjà évoqués par ailleurs), les anecdotes (George et son ukulélé), les hommages (George, John, Jimi Hendrix, George Martin, à qui il dédie désormais "Being for the benefit of Mr Kite"...), les mimiques (après "Live and let die"), les 3 heures de concert sans pause boisson, les quelques phrases en langue locale (il manie plutôt bien le portugais le bougre !)...
Les nouveautés sont rares et se retrouvent essentiellement dans la set-list où Macca nous a quelque peu piégé puisqu'il l'a un peu modifiée par rapport à ses deux concerts précédents de Porto Alegre et São Paulo. Il a notamment zappé "Jet" et "Junior's Farm" pour "Save us" entre autres.
Mes nouveautés à moi : "In Spite of all danger", qui s'est révélée une belle surprise, "You won't see me" (il me semble que c'était inédit pour moi) que j'adore, "Letting go" peut-être aussi et "I wanna be your man" (dont je ne vois pas l'intérêt). Le reste n'évolue que trop peu, mais c'est comme ça, j'ai accepté les explications du bonhomme.
Comme tous les publics à travers le monde, les Brésiliens ont été particulièrement enthousiastes sur les chansons des Beatles et notamment "Love me Do" ou "Something". J'ai particulièrement vibré sur cette dernière, les deux premières nouveautés évoquées plus haut, ainsi que, notamment, "I've just seen a face" et "Golden Slumbers". Parfois, je sentais les larmes me monter aux yeux, moins pour l'émotion de le voir, puisque ce n'est plus inédit comme la première fois ou en raison de beaux hommages, mais plutôt à l'idée de ne plus le revoir. Cette fois, j'avais vraiment l'impression que c'était la dernière.
Paul McCartney a toujours de beaux restes, ne serait-ce que physiquement, mais la voix continue de se dégrader, notamment sur les chansons les plus difficiles ("Maybe I'm amazed", "Let it be", "Nineteen hundred and eighty-five" ou encore "FourFiveSeconds" où il ne peut absolument pas concurrencer Rihanna). J'ai même eu l'impression que le son du micro était volontairement baissé sur certains passages (de manière générale, le son était médiocre, stade oblige). Evidemment, il pourrait continuer en chantant un paquet de chansons encore dans son registre possible, mais difficile de se débarrasser des incontournables et aussi de ce type d'arènes quand il peut continuer à les remplir les doigts dans le nez.
En tout cas, la mini-déception du Stade de France est passée, Paul est toujours vivant, le public brésilien l'a fêté comme il se doit et sera-ce vraiment mon dernier concert ? Réponse au prochain...
L'ex-Beatles était de passage en terre auriverde dans le cadre de sa tournée "One on one", qui est passée principalement aux Etats-Unis (pour changer). Cette fois, il n'est pas passé à Rio, donc c'est à Belo Horizonte et son stade du Mineirão que je me suis rendu pour le show. São Paulo, le plus près pour moi, était complet, tandis que Porto Alegre et Salvador étaient trop éloignés.
Comme vous pouvez le constater dans mes compte rendus, plus je vois Paul McCartney et moins la magie opère en raison de son grand manque de renouvellement scénique. Toutefois, il y avait ici une grande nouveauté : le voir au Brésil, pays qui possède, selon une grande majorité d'artistes, le meilleur public au monde.
Au moins, contrairement à la France, l'ex-Beatles y fait le plein (malgré des prix prohibitifs) et possède ici une solide base de fans qui a traversé les générations sans perte de popularité. Je vois encore beaucoup de jeunes porter des éléments "The Beatles", vêtements ou autres. Le groupe est sans conteste le plus populaire parmi les étrangers et cela risque de se maintenir encore longtemps.
Cela s'est vérifié durant le concert. Le public était vraiment très varié et d'une chaleur incomparable. Ici, les gens dansent, chantent, crient, applaudissent et offrent une véritable ambiance pour les artistes qu'ils chérissent : Macca s'est retrouvé une ou deux fois obligé de dire au public de s'arrêter de l'encourager. C'était un vrai bonheur, compensant le fait de me retrouver une fois de plus en tribune (sur le côté de la scène).
Côté show, toujours les incontournables : pas de première partie si ce n'est DJ Chris et ses remixes de chansons des Beatles et Paul solo jouées durant une petite heure pendant que des montages de photos défilent sur les écrans, le groupe sobre et efficace (malgré ses défauts, déjà évoqués par ailleurs), les anecdotes (George et son ukulélé), les hommages (George, John, Jimi Hendrix, George Martin, à qui il dédie désormais "Being for the benefit of Mr Kite"...), les mimiques (après "Live and let die"), les 3 heures de concert sans pause boisson, les quelques phrases en langue locale (il manie plutôt bien le portugais le bougre !)...
Les nouveautés sont rares et se retrouvent essentiellement dans la set-list où Macca nous a quelque peu piégé puisqu'il l'a un peu modifiée par rapport à ses deux concerts précédents de Porto Alegre et São Paulo. Il a notamment zappé "Jet" et "Junior's Farm" pour "Save us" entre autres.
Mes nouveautés à moi : "In Spite of all danger", qui s'est révélée une belle surprise, "You won't see me" (il me semble que c'était inédit pour moi) que j'adore, "Letting go" peut-être aussi et "I wanna be your man" (dont je ne vois pas l'intérêt). Le reste n'évolue que trop peu, mais c'est comme ça, j'ai accepté les explications du bonhomme.
Comme tous les publics à travers le monde, les Brésiliens ont été particulièrement enthousiastes sur les chansons des Beatles et notamment "Love me Do" ou "Something". J'ai particulièrement vibré sur cette dernière, les deux premières nouveautés évoquées plus haut, ainsi que, notamment, "I've just seen a face" et "Golden Slumbers". Parfois, je sentais les larmes me monter aux yeux, moins pour l'émotion de le voir, puisque ce n'est plus inédit comme la première fois ou en raison de beaux hommages, mais plutôt à l'idée de ne plus le revoir. Cette fois, j'avais vraiment l'impression que c'était la dernière.
Paul McCartney a toujours de beaux restes, ne serait-ce que physiquement, mais la voix continue de se dégrader, notamment sur les chansons les plus difficiles ("Maybe I'm amazed", "Let it be", "Nineteen hundred and eighty-five" ou encore "FourFiveSeconds" où il ne peut absolument pas concurrencer Rihanna). J'ai même eu l'impression que le son du micro était volontairement baissé sur certains passages (de manière générale, le son était médiocre, stade oblige). Evidemment, il pourrait continuer en chantant un paquet de chansons encore dans son registre possible, mais difficile de se débarrasser des incontournables et aussi de ce type d'arènes quand il peut continuer à les remplir les doigts dans le nez.
En tout cas, la mini-déception du Stade de France est passée, Paul est toujours vivant, le public brésilien l'a fêté comme il se doit et sera-ce vraiment mon dernier concert ? Réponse au prochain...
lundi 4 septembre 2017
Livre : Geoff Emerick - En studio avec les Beatles
J'ai lu beaucoup de livres sur les Beatles et jusque-là, seule l'énorme autobiographie "Anthology" m'avait parfaitement comblé. J'ai complété cette nette satisfaction avec "En studio avec les Beatles" (sorti en 2014 pour la version française, 2006 pour la version originale), les mémoires de leur principal ingénieur du son, Geoff Emerick, écrites avec le journaliste Howard Massey.
Le grand intérêt de ce livre est qu'il offre lui aussi une plongée de l'intérieur de la carrière des Beatles, qui plus est bien précise, mais avec en même temps un point de vue extérieur et une subjectivité différente.
Geoff Emerick a eu une histoire assez incroyable, commençant sa carrière extrêmement jeune. Il raconte d'abord son enfance et sa passion pour les appareils sonores, qui le conduit à vouloir travailler dans un studio d'enregistrement. Ce n'était pas gagné à l'époque, mais à seulement 15 ans, il entre finalement comme ingénieur du son assistant aux studios EMI (surnommés Abbey Road depuis le fameux album...).
Le jeune technicien ne s'est pas occupé tout de suite des Beatles, mais il n'en était pas loin dès leur entrée chez EMI. Il gravitait autour, comme assistant, à des tâches "ingrates", mais utiles. Et en 1966, quand l'ingénieur du son "titulaire" des Fab Four, Norman Smith, décide de quitter son poste pour se lancer dans la production (des Pink Floyd), le producteur George Martin décide de le remplacer par Geoff Emerick, alors âgé de seulement 19 ans. Et quelle promotion puisque le premier album dont il va s'occuper est "Revolver"...
C'est à partir de ce moment que le livre devient évidemment d'autant plus intéressant puisque jusqu'alors, l'ingénieur du son ne racontait quasiment rien sur les précédents albums puisqu'il n'y a pas participé directement - mais son récit de l'intérieur des studios EMI n'est néanmoins pas dénué d'intérêt.
A partir de "Revolver", Geoff Emerick se montre donc très précis sur l'enregistrement de la plupart des chansons. On apprend plein de choses sur la manière dont elles ont été enregistrées et c'est passionnant car les Beatles et toute l'équipe qui les entourait ont dû redoubler d'ingéniosité et de créativité pour créer tous les sons qu'ils désiraient. Outre les limites technologiques de l'époque, bien que référents, les studios EMI n'étaient pas forcément non plus les mieux équipés au monde et leur fonctionnement était des plus guindés, car n'enregistrant que peu de musique populaire avant que les Beatles n'y débarquent. Avec leur musique, les Fab Four ont donc révolutionné aussi tout ce qu'il se passait à l'intérieur d'Abbey Road, avec évidemment carte blanche en raison de leur succès démesuré.
Geoff Emerick n'est pas que technique heureusement, il n'oublie pas non plus de raconter un peu la vie en studio, les faits et gestes, les attitudes et comportements des uns et des autres, qui provoqueront d'ailleurs son départ provisoire (accompagné de George Martin) de son poste auprès des Beatles - pour le double album "The Beatles" et "Let it be".
La carrière de Geoff Emerick ne s'arrêtera évidemment pas avec la séparation du groupe puisque l'ingénieur du son raconte aussi l'aventure - et bordel - Apple à laquelle il a participé, concevant le studio d'enregistrement du label des Beatles, et qui se poursuivra au début des années 1970, avant qu'il ne rejoigne les studios AIR de George Martin.
Si ses mémoires sont ainsi un recueil précieux sur les coulisses d'un groupe de génie, elles ne sont pas parfaites pour autant. Elles sont d'abord controversées, car remises en question par ses pairs, notamment Ken Scott, autre ingénieur du son des Beatles. Ce dernier a accusé Geoff Emerick d'avoir commis de nombreuses erreurs factuelles du fait d'une mémoire particulièrement défaillante - Howard Massey aurait en réalité plus fait appel à celle de ses congénères qu'à la sienne !
Il est donc dommage de devoir prendre toutes ces anecdotes avec des pincettes, surtout que l'ingénieur du son a promis de faire amende honorable dans les rééditions futures. Le technicien a aussi une fâcheuse tendance à s'attribuer beaucoup de réussites sonores de morceaux des Beatles, et pas les plus mineurs, et cela avec pas mal d'arrogance. C'est assez dérangeant, surtout quand on sait, donc, que ses propos ne sont peut-être pas si véridiques que cela.
Enfin, il y a son point de vue sur les Beatles et leurs morceaux. Pas qu'il ne soit pas intéressant, mais c'est alors là aussi que sa subjectivité agace un peu. Il est particulièrement dur avec George Harrison - ce que Ken Scott lui reproche aussi, le qualifiant en gros de piètre guitariste, qui n'arrive guère à sortir de solos potables - mais il lui attribue de très grandes qualités de producteur post-Beatles.
A l'inverse, Geoff Emerick n'a d'yeux que pour Paul McCartney, LE génie absolu des Beatles, le plus sympa, le plus ouvert, etc. Mais on sent que le point de vue est biaisé justement parce que le bassiste du groupe a été celui qui lui a accordé le plus d'attention lors de leurs sessions de travail. Et fera appel à lui à plusieurs reprises lors de sa carrière solo, notamment lors des collaborations avec George Martin.
Certes, le talent de Paul McCartney est indéniable et clairement supérieur à celui des autres dans certains domaines, mais ce qui agace, c'est que l'ingénieur du son tend à les rabaisser en comparaison, comme il le fait avec George Harrison donc.
Il est moins loquace sur John Lennon et Ringo Starr. Ils intéressent moins Geoff Emerick, outre parce qu'ils communiquaient peu - et John Lennon n'était pas forcément très sociable et reconnaissant, mais aussi parce qu'ils n'avaient que peu d'intérêt pour la technique en studio, notamment le premier, alors qu'il faisait régulièrement des demandes sonores farfelues - mais auxquelles les techniciens d'EMI se pliaient. Le second n'est pas vraiment plus admiré que George Harrison, l'auteur semblant même le considérer moins bon que Paul McCartney derrière les fûts. Décidément.
Ne soyons donc pas étonnés que le titre original soit une chanson de ce dernier ("Here, there and everywhere"), mais savourons malgré tout un ouvrage aussi nécessaire que fascinant, d'un point de vue différent sur le plus grand groupe de tous les temps.
Le grand intérêt de ce livre est qu'il offre lui aussi une plongée de l'intérieur de la carrière des Beatles, qui plus est bien précise, mais avec en même temps un point de vue extérieur et une subjectivité différente.
Geoff Emerick a eu une histoire assez incroyable, commençant sa carrière extrêmement jeune. Il raconte d'abord son enfance et sa passion pour les appareils sonores, qui le conduit à vouloir travailler dans un studio d'enregistrement. Ce n'était pas gagné à l'époque, mais à seulement 15 ans, il entre finalement comme ingénieur du son assistant aux studios EMI (surnommés Abbey Road depuis le fameux album...).
Le jeune technicien ne s'est pas occupé tout de suite des Beatles, mais il n'en était pas loin dès leur entrée chez EMI. Il gravitait autour, comme assistant, à des tâches "ingrates", mais utiles. Et en 1966, quand l'ingénieur du son "titulaire" des Fab Four, Norman Smith, décide de quitter son poste pour se lancer dans la production (des Pink Floyd), le producteur George Martin décide de le remplacer par Geoff Emerick, alors âgé de seulement 19 ans. Et quelle promotion puisque le premier album dont il va s'occuper est "Revolver"...
C'est à partir de ce moment que le livre devient évidemment d'autant plus intéressant puisque jusqu'alors, l'ingénieur du son ne racontait quasiment rien sur les précédents albums puisqu'il n'y a pas participé directement - mais son récit de l'intérieur des studios EMI n'est néanmoins pas dénué d'intérêt.
A partir de "Revolver", Geoff Emerick se montre donc très précis sur l'enregistrement de la plupart des chansons. On apprend plein de choses sur la manière dont elles ont été enregistrées et c'est passionnant car les Beatles et toute l'équipe qui les entourait ont dû redoubler d'ingéniosité et de créativité pour créer tous les sons qu'ils désiraient. Outre les limites technologiques de l'époque, bien que référents, les studios EMI n'étaient pas forcément non plus les mieux équipés au monde et leur fonctionnement était des plus guindés, car n'enregistrant que peu de musique populaire avant que les Beatles n'y débarquent. Avec leur musique, les Fab Four ont donc révolutionné aussi tout ce qu'il se passait à l'intérieur d'Abbey Road, avec évidemment carte blanche en raison de leur succès démesuré.
Geoff Emerick n'est pas que technique heureusement, il n'oublie pas non plus de raconter un peu la vie en studio, les faits et gestes, les attitudes et comportements des uns et des autres, qui provoqueront d'ailleurs son départ provisoire (accompagné de George Martin) de son poste auprès des Beatles - pour le double album "The Beatles" et "Let it be".
La carrière de Geoff Emerick ne s'arrêtera évidemment pas avec la séparation du groupe puisque l'ingénieur du son raconte aussi l'aventure - et bordel - Apple à laquelle il a participé, concevant le studio d'enregistrement du label des Beatles, et qui se poursuivra au début des années 1970, avant qu'il ne rejoigne les studios AIR de George Martin.
Si ses mémoires sont ainsi un recueil précieux sur les coulisses d'un groupe de génie, elles ne sont pas parfaites pour autant. Elles sont d'abord controversées, car remises en question par ses pairs, notamment Ken Scott, autre ingénieur du son des Beatles. Ce dernier a accusé Geoff Emerick d'avoir commis de nombreuses erreurs factuelles du fait d'une mémoire particulièrement défaillante - Howard Massey aurait en réalité plus fait appel à celle de ses congénères qu'à la sienne !
Il est donc dommage de devoir prendre toutes ces anecdotes avec des pincettes, surtout que l'ingénieur du son a promis de faire amende honorable dans les rééditions futures. Le technicien a aussi une fâcheuse tendance à s'attribuer beaucoup de réussites sonores de morceaux des Beatles, et pas les plus mineurs, et cela avec pas mal d'arrogance. C'est assez dérangeant, surtout quand on sait, donc, que ses propos ne sont peut-être pas si véridiques que cela.
Enfin, il y a son point de vue sur les Beatles et leurs morceaux. Pas qu'il ne soit pas intéressant, mais c'est alors là aussi que sa subjectivité agace un peu. Il est particulièrement dur avec George Harrison - ce que Ken Scott lui reproche aussi, le qualifiant en gros de piètre guitariste, qui n'arrive guère à sortir de solos potables - mais il lui attribue de très grandes qualités de producteur post-Beatles.
A l'inverse, Geoff Emerick n'a d'yeux que pour Paul McCartney, LE génie absolu des Beatles, le plus sympa, le plus ouvert, etc. Mais on sent que le point de vue est biaisé justement parce que le bassiste du groupe a été celui qui lui a accordé le plus d'attention lors de leurs sessions de travail. Et fera appel à lui à plusieurs reprises lors de sa carrière solo, notamment lors des collaborations avec George Martin.
Certes, le talent de Paul McCartney est indéniable et clairement supérieur à celui des autres dans certains domaines, mais ce qui agace, c'est que l'ingénieur du son tend à les rabaisser en comparaison, comme il le fait avec George Harrison donc.
Il est moins loquace sur John Lennon et Ringo Starr. Ils intéressent moins Geoff Emerick, outre parce qu'ils communiquaient peu - et John Lennon n'était pas forcément très sociable et reconnaissant, mais aussi parce qu'ils n'avaient que peu d'intérêt pour la technique en studio, notamment le premier, alors qu'il faisait régulièrement des demandes sonores farfelues - mais auxquelles les techniciens d'EMI se pliaient. Le second n'est pas vraiment plus admiré que George Harrison, l'auteur semblant même le considérer moins bon que Paul McCartney derrière les fûts. Décidément.
Ne soyons donc pas étonnés que le titre original soit une chanson de ce dernier ("Here, there and everywhere"), mais savourons malgré tout un ouvrage aussi nécessaire que fascinant, d'un point de vue différent sur le plus grand groupe de tous les temps.
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