mardi 25 mars 2008

Artistes Divers - "The Bodyguard" Original Soundtrack Album (1992)

Ah je vous entends d'ici vous moquer de moi ! Eh bien oui, j'ai dans ma discothèque cet objet : la bande originale du film "The Bodyguard", film nunuche au possible mais culte malgré tout pour toute une génération ! (Je l'ai acquis grâce à la fusion de ma discothèque et de celle de Sei qui regorge de choses comme cela, ça promet !)

En effet, "The Bodyguard", c'est Whitney Houston au sommet de sa gloire, pour son premier film, avec le privilège de jouer aux côtés du beau Kevin Costner, lui aussi en pleine grâce en ce temps-là.

On passera rapidement sur le film qui raconte donc l'histoire d'amour entre une chanteuse (Whitney dans son presque propre rôle) et son garde du corps (Kevin) alors que la première est menacée par un dangereux psychopathe pilotée par sa propre soeur si je me souviens bien.

A belle histoire, belles chansons me direz-vous, eh bien oui, si on veut. Whitney Houston s'accapare la moitié de la B.O. dans un registre soul qui coule bien daté de cette époque et le reste est du même acabit.

Rien de bien spécial dans le livret qui nous donne la liste détaillée des chansons avec la photo de leur interprète mais aussi leurs paroles, ainsi que qques photos du film. La pochette reprend l'affiche du film sans doute.

Voyons donc un peu ce que cela donne...

- "I will always love you" (Parton) : C'est en m'intéressant un peu plus à cette chanson que j'ai découvert qu'elle n'était pas du tout à mettre au crédit de Miss Houston. Non non, ce tube monstrueux est l'oeuvre originale de la chanteuse Country non moins célèbre, Dolly Parton, qui l'a composée au début des années 70. On reviendra peut-être un jour sur son interprétation chevrotante à laquelle on préfère largement celle de Whitney, tout en puissance. Malgré un affreux solo de saxophone typique de cette époque révolue (joué par Kirk Whalum, saxophoniste renommé pourtant), Houston apporte une belle fluidité et une tonalité soul bienvenue. Alors oui, elle se met bien à hurler au bout d'un moment et les séquelles ont été terribles parmi les spectateurs de karaoke et autres télé-crochets. Cependant, Whitney est le maître-étalon. Tout cela est produit par l'obscur David Foster, qui fait de la figuration dans le film. Pour finir, les paroles sont plutôt attendrissantes : la narratrice dit en fait au revoir à son bien-aimé pour des raisons un peu inexpliquées. Elle lui souhaite une belle vie et de l'amour, en lui rappelant bien entendu qu'elle l'aimera pour toujours ("I will always love you"...).

- "I have nothing" (Foster/Thompson) : On reste dans la soul romantique avec cette chanson composée à la fois par le producteur David Foster et Linda Thompson, actrice, chanteuse et ancienne compagne d'Elvis Presley (rien que ça !). Whitney Houston impose à nouveau sa puissance modérée, sans en faire trop, bien dans son cadre soul. On regrettera encore certains arrangements, notamment cette orchestration synthétisée absolument hors d'âge. Les paroles décrivent une âme tourmentée par l'amour qui tient à rester auprès de son bien-aimé parce qu'elle n'a rien sans lui ("I have nothing if I don't have you"). Reste que cette chanson a quand même été nominée pour le Grammy Award et l'Oscar de la meilleure chanson.

- "I'm every woman" (Ashford/Simpson) : Voici à nouveau la reprise d'un grand tube, cette fois d'une chanson interprétée à l'origine par Chaka Khan en pleine période disco (et Whitney Houston faisait partie des choeurs !). Elle avait été écrite par un couple de compositeurs issu de la Motown qui a contribué à beaucoup de succès de chanteurs soul et disco, tels Diana Ross. Remis au goût du jour 90's, ça commence pas mal, doucement, mais après, c'est terriblement raté avec percussions et synthés tous plus horribles les uns que les autres. On a droit à un des prémices de l'affreux R'n'B qui va oeuvrer et qui oeuvre encore sur le monde aujourd'hui. Cette horreur est produite par un certain Narada Michael Walden qui reçut le prix de la B.O. de l'année 1993 pour cet album et qui a produit notamment Mariah Carey et Aretha Franklin. En ce qui concerne les paroles, c'est pas très clair mais en gros, la chanteuse dit qu'elle est toutes les femmes et donc qu'elle peut forcément arriver à plaire à l'homme qu'elle vise... hem hem...

- "Run to you" (Rich/Friedman) : Avec ce titre, on tombe dans le sirupeux complet avec un accompagnement synthétisé au possible et une Whitney Houston pas très inspiré et qui fait trop de "ouh ouh ouh" pour moi. Les paroles sont du même ordre, celles d'une jeune femme déclarant son amour pour un homme, elle veut "courir jusqu'à lui" ("Run to you"), elle a besoin de lui, elle veut qu'il la protège, etc... Du très classique. Bon mais elle s'interroge aussi, de savoir s'il voudra bien rester avec lui ou bien se barrer bien loin d'elle ! Ce sont Allan Rich et Jud Friedman, deux compositeurs de musique de films, qui ont commis cette soupe... blurp !

- "Queen of the night" (Houston/Reid/Babyface/Simmons) : Morceau beaucoup plus funky ici, très inspiré de Michael Jackson. Whitney Houston fait, pour la première fois dans cet album, valoir ses compétences sur une chanson un peu plus rythmée et tonique. C'est très répétitif et hurlant mais ça reste assez correct. Cette chanson a été composée entre autres par le célèbre duo L.A. Reid-Babyface très connu dans le milieu soul-R'n'B, Daryl Simmons fait partie de cet entourage aussi. A noter également que Whitney Houston est également créditée sur ce titre, sans doute pour les paroles qui sont assez pauvres. Elle dit en gros qu'elle est la Reine de la nuit ("Queen of the night"), qu'elle a tout pour elle et donc qu'il faut pas trop venir l'ennuyer. Super.

- "Jesus loves me" (Warner/Bradbury) : Il s'agit ici d'une reprise d'un morceau religieux apparemment connu aux Etats-Unis, écrit au XIXème siècle. La musique est de William Bradbury et Anna B. Warner y a adapté des paroles. Cette dernière ne s'est pas foulée car le texte consiste à dire tout au long du morceau "Jésus m'aime, c'est la Bible qui le dit". Je ne connais pas la version originale mais en tout cas, cela a été remis au goût du jour de l'époque, avec force de synthés sirupeux. Ce n'est même pas du gospel et on s'ennuie pas mal malgré la bonne volonté de Whitney Houston. Le guitariste Paul Jackson Jr (très connu dans le monde du R'n'B) aurait participé à la chanson mais on n'entend guère sa guitare... Dans les choeurs, on retrouve deux chanteurs de gospel, BeBe Winans et Claude McKnight III, ainsi que l'acteur Alvin Chea. C'est le dernier morceau de Whitney Houston sur l'album.

- "Even if my heart would break" (Golde/Gurvitz) : ça commence mal avec le saxophone bien mielleux de Kenny G, comme à l'époque... ça n'évolue pas plus, restant dans la chanson câline jusqu'au bout avec la voix bien douce et R'n'B d'Aaron Neville. Le texte est gnangnan à souhait : le narrateur chante à sa belle qu'il a été partout dans le monde et qu'il n'a trouvé le paradis que dans ses yeux... ou encore que même si c'est l'hiver en eden (?), quand il est avec elle, c'est l'été dans son coeur... Rrrrrrrrrrr... Et le refrain reprend le titre : "Même si mon coeur se brise, je t'aimerai toujours...". Les auteurs de ce morceau sont les obscurs Franne Golde, qui a écrit pour pas mal d'artistes différents du même genre (Céline Dion, Cristine Aguilera...), et Adrian Gurvitz.

- "Someday (I'm coming back)" (Stansfield/Morris/Devaney) : Ce titre est dû à Lisa Stansfield, chanteuse britannique de R'n'b qui a navigué entre les 80's et les 90's. Son morceau est ici un peu rythmé mais à la fois bien pataud à cause d'une orchestration mêlant sons électroniques et saxophone horrible (ça commence à faire beaucoup là...). Quand on écoute ce titre, on a l'impression d'écouter un condensé de r'n'b du début des 90's, fade et ennuyeux, et surtout qui ne se démarque absolument pas du reste. En fait, ce morceau a été composé par le trio du groupe des années 80 "The Blue Zone" : Lisa Stansfield, Ian Devaney, son futur mari, et Andy Morris. Ils ont connu le succès à ce moment-là mais ce fut assez furtif. Les paroles de cette chanson s'adresse à l'homme qu'elle aime, qui l'a quitté. La narratrice lui déclare qu'un jour elle reviendra et qu'en fait, elle n'attend qu'un geste de sa part pour revenir... Ouais ben c'est pas avec cette chanson qu'elle va le faire changer d'avis ! :-(

- "It's gonna be a lovely day" (Withers/Scarborough/Clivilles/Cole/Never/Visage) : Toute une clique de personnes pour produire un morceau simili rap-r'n'b qui sent bon les 90's. C'est l'obscure Michelle Visage qui apporte sa voix douce et sensuelle sur ce titre des non moins obscurs "The S.O.U.L. S.Y.S.T.E.M."... Je n'ai trouvé aucun information sur ce groupe qui semble être un collectif électro de l'époque avec notamment aux manettes Robert Clivilles et David Cole. Cependant, si j'ai bien compris, cette chanson est du fameux chanteur soul Bill Withers pour les paroles je pense et Skip Scarborough pour la musique, remise donc au goût du jour par le groupe pré-cité. Le résultat est une bouillie difficile encore une fois à discerner du reste des choses de ce genre produites à cette époque. La chanteuse émet qques éclats de voix à la fin mais passe le plus clair de la chanson à murmurer une sorte de rap soft sur une musique électro naze. Le texte est plutôt élaboré, la narratrice (à l'origine un homme) déclarant sa flamme à son bien-aimé, lui indiquant, en gros, que si elle est avec lui, elle est certaine que la journée sera belle. En écoutant cela, ce n'est vraiment pas un beau jour pour nous !

- "(What's so funny 'bout) Peace, love and understanding" (Lowe) : Un peu de rock avec ce titre interprété par Curtis Stigers, ex-chanteur pop des années 80 devenu crooner de jazz depuis. Cette chanson, de Nick Lowe (ex-Kippington Lodge et Rockpile), a connu un gros succès grâce à sa reprise par Elvis Costello. Ici, ça change complètement du reste de l'album pour le moment. On est dans le country-rock assumé, rythmé et entraînant avec un peu de saxo mais pas trop, toujours dans l'air du temps. Stigers a une bonne voix, intéressante, un peu à la Joe Cocker mais plus nasillarde et moins puissante. Pour les paroles, je fais l'impasse, j'en ai pas trop compris le sens ;-)

- "Waiting for you" (Kenny G) : Le saxophoniste Kenny G est de retour avec cet instrumental. C'est aussi doux que c'est mou, avec évidemment le saxophone en tête d'affiche. C'est donc horriblement sirupeux et daté. On a l'impression d'avoir entendu ce thème dans toutes les séquences "émotion" de tous les films des années 80-début des années 90...

- "Trust in me" (Midnight/Swersky/Beghe) : La dernière chanson (mais pas le dernier titre) de l'album est interprétée par Joe Cocker, avec à ses côtés, essentiellement pour les refrains, la chanteuse canadienne Sass Jordan. Cette dernière a connu qques succès d'importance dans les 90's et a fait partie du jury de la version canadienne de "Pop Idol". Ce morceau a été composé exclusivement pour la B.O. du film et c'est pas plus mal. Je n'ai pas d'informations sur les auteurs de celui-ci sinon que Charlie Midnight est l'auteur de plusieurs autres B.O.. Ici, rien de bien neuf au pays de Joe Cocker qui, toujours avec force et retenue, nous interprète une chanson pop-rock assez banale. Il clame à sa belle de lui faire confiance, qu'il sera toujours là pour elle quand elle aura besoin.

- "Theme from The Bodyguard" (Silvestri) : On finit l'album en sombre douceur avec ce thème qui fait probablement office de générique de fin au film et qui ressemble à tous les génériques de fin possible, absolument banal. Son compositeur, Alan Silvestri, est d'ailleurs un spécialiste des musiques de films puisqu'il en a écrit vraiment beaucoup depuis le milieu des années 80, dans tous les styles, de "Predator 2" à "Stuart Little 2" !

On ressort un peu épuisé de cette bande originale je dois dire. Tout comme le film, les chansons qui vont avec sont malheureusement très marquées par leur époque de composition et on échappe quasiment jamais, soit aux solos de saxophone, soit aux prémices d'un R'n'b médiocre et synthétique.

Les chansons de Whitney Houston sont donc assez variées mais aucune n'arrivent à la cheville de l'impeccable chanson-phare du film, "I will always love you", qui en arrive elle à dépasser sa version originale. Pour le reste, c'est pas plus varié non plus, restant dans la tonalité du film, soul-r'n'b. Il y aurait sans doute moyen de faire mieux aujourd'hui.

Ainsi, c'est le genre de film que l'on peut aimer si on veut mais dont il n'est vraiment pas nécessaire de se procurer la B.O. qui va avec comme l'a fait ma délicieuse compagne ! ;-)

Les morceaux à retenir : "I will always love you", "(What's so funny 'bout) Peace, love and understanding".

dimanche 23 mars 2008

Acoustic Ladyland - Last Chance Disco (2005)

Acoustic Ladyland est, selon mes sources, un récent collectif de musiciens anglais qui a créé un gros buzz outre-Manche ces dernières années à l'aide de deux albums très remarqués.

J'ai en ma possession le deuxième, "Last Chance Disco". Il m'a été offert un peu par hasard lors de mon stage à Libération par une journaliste qui se débarrassait de ses "cadeaux" promotionnels. Je n'ai pas voulu refuser...

Puis la pochette de cet album m'a tout de suite intrigué et plu : on y voit le corps sans tête d'une jeune femme en tenue de soirée et talons aiguilles, cambrée, avec, en lieu et place d'un boulet de bagnard attaché à son mollet, une boule à facettes. Très symbolique et très esthétique.

A l'intérieur du disque, sans livret, une photo des quatre musiciens, en costume et regardant tous vers le haut : Sebastian Rochford aux percussions, Tom Herbert à la basse, Peter Wareham au saxophone et Tom Cawley aux claviers. Pas de guitare...

Eh non, parce que je ne l'ai pas encore précisé mais Acoustic Ladyland, c'est du jazz. Enfin ce serait très réducteur de se cantonner uniquement à ce genre mais c'est la tonalité principale de leur musique qu'ils développent en même temps vers d'autres sonorités : pop, rock, funk... Enfin voilà, c'est pas du jazz à papa, ça vogue constamment sur des ondes éclectiques et actuelles.

Par ailleurs, même si le contenu de cet album est très (trop) homogène, il est impossible de s'ennuyer tellement le rythme est élevé, le saxo rageur et le tout extrêmement festif.

Alors voyons un peu ce que cela donne, piste par piste...

- "Iggy" (Wareham) : ça commence très fort avec ce morceau dédié sans doute à Iggy Pop ! Le saxophone est le leader de ce titre, se lançant dans un solo phénoménal du début à la fin, entraînant derrière lui une fureur de basse et percussions.

- "Om Konz" (Wareham) : C'est la basse qui introduit merveilleusement bien ce morceau, suivi du clavier de manière épileptique et très rythmée. Le saxophone suit ensuite, toujours avec ce son déraillé qui fait la particularité de la plupart des morceaux de l'album. Cela peut paraître assez agaçant à la première écoute mais on finit par s'habituer puis finalement apprécier cette sonorité bien particulière. Ce titre est dédié au compositeur Olivier Messiaen et au groupe les Yeah Yeah Yeahs.

- "Deckchair" (Wareham) : Morceau très funky avec à nouveau une très jolie basse et un saxophone qui mène la danse avec ce son velouté et grinçant à la fois. On a droit à un thème récurrent, répété constamment avec qques intermèdes plus doux. La fin est même particulièrement hard rock !

- "Remember" (Wareham) : Un peu de douceur avec ce titre dont le saxophone vient à nouveau rompre la monotonie. La suite s'accélère légèrement avec un rythme lorgnant du côté du rock tout en restant constamment très sombre, moins plaisant donc que les précédents.

- "Perfect Bitch" (Wareham/Wareham) : Allez, on reprend un peu de rythme avec ici un morceau chanté ! C'est très jazzy, très entraînant avec claquements de mains et saxophone tonitruant. Le titre du morceau est suffisamment évocateur pour savoir de quoi ça parle...

- "Ludwig Van Ramone" (Wareham) : Titre au rythme soutenu à nouveau mais dont on apprécie particulièrement les périodes plus calmes avec un superbe thème de saxophone, proche de morceaux déjà entendus par le passé, années 80 notamment. Hommage à Beethoven et aux Ramones (ou Phil Ramone ?) ?

- "High Heel Blues" (Wareham/Wareham) : Au vu du titre, on peut penser qu'on aura le droit à un blues de saxophoniste, il n'en est rien, c'est au contraire très rock, tendance hard à nouveau. Le saxophone part dans un tourbillon complet, proche d'un solo de guitare électrique à l'extrême.

- "Trial and error" (Wareham) : On se calme un peu avec ce morceau bien charmant, un peu mélancolique, avec un joli duo basse-saxophone, accompagnés d'une batterie légère. Le clavier arrive plus tard, et ajoute encore un peu plus de légèreté. Mon morceau préféré ? Il y a des chances...

- "Thing" (Wareham) : Encore du lourd et du gros son pour ce titre et le saxophone rejoint les graves de la basse et de la batterie, s'alignant sur leur même rythme. Puis vient le clavier saturé qui adoucit tout cela. ça sonne à nouveau très rock et ça fonctionne pas mal.

- "Of you" (Wareham/Rochford) : Retour au funk jazzy avec ce morceau bien pêchu dont on apprécie particulièrement la basse. La structure est au départ de facture assez classique avant de partir complèment en vrille presque improvisée.

- "Nico" (Wareham) : Un très joli thème pour finir. Une rengaine jazzy-pop initiée par le saxophone pour une fois mesuré, et très bien accompagné par le reste de la troupe. ça commence doucement avant de s'enflammer par la suite.

A l'écoute de cet album, on retient donc la grande qualité de ses musiciens et surtout la prépondérance du saxophone. Mais on ne s'en étonne pas en constatant que c'est son utilisateur qui a composé tous les morceaux du disque.

Autant parfois il semble se mettre un peu trop en avant avec toujours plus de surenchère aigüe, autant il sait rester modeste et simple accompagnant dans certains morceaux plus calmes. Mais c'est bien lui le leader, celui qui est le chef d'orchestre de ce joyeux groupe. S'ils avaient été des rockers, ce saxophone se serait mué en guitare électrique car c'est véritablement son rôle ici.

Son omniprésence peut donc heurter nos oreilles chétives au premier abord mais sa place est finalement gagnée parce qu'il sait varier ses sonorités et il apporte finalement beaucoup à chaque morceau qui gagne en profondeur.

Acoustic Ladyland a donc parfaitement réussi à traverser les frontières du jazz pour aborder avec pertinence celles du funk, de la pop et du rock notamment. Il est d'ailleurs assez difficile de classer leur musique. En tout cas, l'essai est globalement réussi et on en redemande.

Les morceaux à retenir : "Iggy", "Om Konz", "Deckchair", "Perfect Bitch", "Ludwig Van Ramone", "Trial and error", "Nico".

mercredi 12 mars 2008

Paul McCartney - McCartney (1970)

Paul McCartney aura été le plus malin pour faire la promotion de son premier album solo. En effet, il a profité de l'annonce officielle de la séparation des Beatles, déclarée par lui-même, pour annoncer, par la même occasion, la future sortie de son oeuvre. Faible compensation pour les fans peut-on penser, puis c'est un peu narcissique aussi. Mais nous ne sommes pas là pour commenter cette tragique et controversée séparation.

La première oeuvre solitaire de McCartney, intitulée sobrement (mais un peu narcissiquement quand même) de son seul patronyme, est marquée, comme pour Lennon, par la rupture de style, le dépouillement et l'introspection. L'ex-Beatles a en effet choisi d'enregistrer son album en toute intimité, entre sa ferme écossaise et les studios d'Abbey Road en catimini, et surtout tout seul, jouant de tous les instruments.

La particularité de "McCartney" est également d'être une oeuvre hybride, mêlant chansons et morceaux uniquement instrumentaux. Paul McCartney a lui aussi resorti des fonds de tiroir, des titres non aboutis ou bien refusés par les autres Beatles auparavant. Les tonalités sont très variées et cela restera l'une des marques de fabrique de cet immense artiste. L'ambiance de l'album change à chaque morceau, mais globalement, on ressent tout de même un certain vague à l'âme, compensé par son amour fort pour Linda qui lui permettra d'écrire les chansons phares de cette oeuvre mineure, mais intéressante.

La pochette est très belle, c'est à noter car ce n'est vraiment pas le fort des albums de Sir Paul. C'est une photo mais on dirait un tableau. Une planche de bois (?) blanche sur un fond noir, sur cette planche, un bol avec du jus de groseilles dedans et des groseilles éparpillés tout autour. Cette image n'a rien à voir avec le contenu je pense mais on note tout de suite le côté rustique, simple et dénudé. A l'intérieur du livret, uniquement des photos prises dans des endroits différents, en Ecosse notamment, avec un Paul plus ou moins barbu, seul ou en famille, avec Linda et leurs enfants. On comprend alors à nouveau l'état d'esprit de McCartney pendant cette période, se réfugiant auprès de ses proches pour évacuer les tensions de la séparation. Il paraît serein et heureux sur les photos, une façade ?

Il est temps maintenant de rentrer à l'étable pour analyser tout cela...

- The Lovely Linda (McCartney) : Pour bien débuter cet album, une petite ode légère et animée pour Linda, sa tendre épouse. Le morceau dure moins d'une minute, ça va droit à l'essentiel : "la la la la la la Jolie Linda, avec de jolies fleurs dans les cheveux...", une jolie petite voix enamourée, une jolie petite mélodie et un Paul rieur comme un petit garçon en conclusion... Just lovely !

- That would be something (McCartney) : On reste dans le simplissime avec cette petite ballade dont les paroles se résument à : "ça serait qque chose de te rencontrer sous la pluie maman". A partir de ce court texte, McCartney développe son idée musicale, un peu comme le "Why Don't we do it in the road" des Beatles. McCartney accélère le rythme, chante plus fort, imite le bruit de la batterie avec sa bouche, pousse des cris... On le sent bien tout seul en homme orchestre sur ce titre qui ne déplaisait pas à George Harrison (au contraire de tout le reste de l'album !). Mais malgré les qques jolies phrases instrumentales (notamment à la basse), le résultat ressemble plus à une démo fignolée à la va-vite et sans but précis, tournant en rond sans jamais vraiment décoller comme dans la chanson que j'ai cité en référence plus haut.

- Valentine Day (McCartney) : Premier morceau instrumental de l'album, McCartney s'essaye plus ou moins au petit rockabilly avec une lead guitar pas trop mauvaise mais le tout reste encore très bancal et il n'y a même pas de fin ! ça se termine après 1 min 35 de petit boeuf solo et on ne peut imaginer cela comme un cadeau suffisant pour la St Valentin. Au moins Paul nous aura mis en condition pour la chanson suivante...

- Every Night (McCartney) : L'une des rares perles de cet album et en plus, une perle intemporelle. Voilà enfin une vraie chanson et qu'elle est magnifique. On tient là le vrai Paul McCartney, l'un des plus grands compositeurs de musique contemporaine. Il compose ici une jolie ballade, des plus romantiques, des plus touchantes. Dans le texte, le narrateur dit à sa belle que d'habitude il a besoin de bouger, de sortir, changer d'air, s'amuser, mais que, ce soir, il veut rester passer la soirée avec elle, tout simplement. Tout y est fluide, des paroles jusqu'à la musique, la mélodie et que dire de ces irrésistibles "ouh ouh ouh ouh"... ?

- Hot as sun/Glasses (McCartney) : Après ce pur moment de bonheur, retour aux instrumentaux avec ce morceau plutôt joyeux et ensoleillé comme l'indique à peu près le titre. La mélodie, simple et jolie, fait très carte postale, fête foraine et est beaucoup plus aboutie que celle de "Valentine Day". La fin reste toutefois mystérieuse avec ces sons glaçants et cet autre petit bout de chanson inédite qui vient s'y coller...

- Junk (McCartney) : Après ces moments d'amour et de joie, place à la mélancolie avec un morceau refusé par les autres Beatles. Malheureusement, on a envie de dire que ses ex-camarades étaient plutôt dans le vrai car ici, ça sent la mièvrerie à plein nez, surtout dans le chant, à moitié étouffé et dans les aigüs. Le texte parle d'une sorte de brocante où se trouve des objets que l'auteur qualifie de "déchets" qu'une pancarte invite à acheter mais dont les objets se demandent pourquoi justement... C'est un peu alambiqué mais quand on y regarde de plus près, il y a une vraie poésie dans ce texte dont on regrettera la mise en musique, un peu trop platounette.

- Man we was lonely (McCartney) : Encore un peu de morosité dans cette chanson malgré son petit rythme entraînant, la très jolie voix de Paul et les plaisantes interventions de Linda en choeur. Le solo doublé de guitare est raté mais les ponts sont vraiment agréables. Pour le texte, eh bien nous avons un narrateur qui, en gros, raconte qu'il était solitaire par le passé mais que maintenant, il est de retour au foyer et que ça va mieux. Encore une chanson où l'on a quand même l'impression que Paul ne s'est pas foulé et qu'il remplit comme il peut les cases vides de son album.

- Oo You (McCartney) : Retour à la pop roots avec ce morceau malheureusement trop lent et soigné. Avec un rythme plus élevé, un peu plus de conviction dans le chant (même si ça s'améliore au milieu...), on aurait pu avoir le droit à un très bon titre. Là on sent que McCartney ne sait pas trop où il veut mettre les pieds, dans le blues ou bien un rock plus affirmé. C'est entre les deux et c'est donc assez indéterminé. Dommage... Quant aux paroles, elles parlent d'une personne qui ressemble à une femme, habillée comme une demoiselle et qui parle comme un bébé...

- Momma Miss America (McCartney) : Assurément le meilleur instrumental de l'album, bien rythmé et péchu comme il faut. On a une super basse, un super piano, une bonne batterie, une guitare sympa, ça commence idéalement. On sent vraiment que Paul s'amuse bien derrière chaque instrument et qu'il y croit. La mélodie est vraiment bonne, elle balance bien et les "wouhou" intempestifs de Paul nous donnent encore plus de plaisir. Puis ça s'arrête subitement et un autre morceau très différent vient se coller à la première partie. On revient à du très classique avec une guitare électrique affirmée, une basse un peu perdue et une batterie en roue libre. Le piano revient en fin de partie, donnant un peu plus de profondeur à la chose mais sans nous convaincre autant que la première partie.

- Teddy Boy (McCartney) : Encore une des chansons rejetée par ses ex-compères et qui fait donc son apparition sur cet album. On retrouve ici le McCartney conteur, inventeur d'histoires tendres et farfelues. Ici, c'est l'histoire de Ted le Teddy Boy (mauvais garçon des années 50-60) qui aime désespérément sa mère et qui promet de la protéger jusqu'à ce qu'elle se mette avec un autre homme (son mari est mort) et Ted, ne pouvant supporter cette situation, s'enfuit. Mais il reviendra bien vite dans les bras de sa maman qui se met elle aussi à lui promettre de rester avec lui. Jolie mélodie et texte mignon donc dont Lennon se moqua gentiment. C'est vrai que c'est gentillet mais ça fonctionne bien. Paul sait très bien mettre les histoires en musique et même si ça nous emballe pas autant que son terrible "Rocky Racoon" ou encore le délirant "Maxwell's Silver Hammer", y a des bonnes idées, dont les jolis choeurs de Linda.

- Singalong Junk (McCartney) : Procédé qui sera utilisé dans d'autres albums suivants, McCartney nous propose une version instrumentale d'une chanson précédente. Avec "Junk", ça marche du tonnerre, on a le droit à une superbe petite mélodie, très soignée et agréable à souhait. Pour le coup, on se dit que ce morceau était mieux sans texte... La guitare est douce, la batterie jazzy et le piano magnifique. McCartney s'affirme à nouveau ici comme un très grand mélodiste, raffiné comme il faut.

- Maybe I'm amazed (McCartney) : S'il ne fallait retenir qu'un seul morceau de cet album, ce serait assurément celui-là (malgré "Every Night"...) car c'est LA chanson phare, celle qui éblouit et met en valeur le tout. Enfin dans cet album, Paul a trouvé la puissance juste, le son parfait dans un morceau pourtant complètement déstructuré. La sincérité de son chant nous met en émoi et nous touche profondément, c'est une nouvelle déclaration d'amour à Linda et elle est superbe. Le texte s'accoutume parfaitement à la musique : Paul est surpris de tout l'amour que Linda lui porte et réciproquement... Il s'interroge, peut-être est-il seulement un homme très seul, au milieu de nulle part et qu'elle est la seule personne à pouvoir l'aider... La seule à pouvoir lui faire comprendre les choses, à l'aider à chanter ses chansons et à le remettre dans le droit chemin. Ainsi, il ne devrait pas être surpris ("amazed") de voir combien il a besoin d'elle et il a donc très peur de la perdre. Le piano-voix marche à merveille, sans oublier cette guitare électrique enflammée, très grand morceau de bravoure d'un Paul qu'on ne connaissait pas si bon soliste. La qualité de cette chanson est indéniable, se trouvant une place vraiment unique au sein de cette oeuvre dépareillée.

- Kreen-Akrore (McCartney) : Pour finir l'album, un dernier instrumental où c'est la percussion qui est mise en avant. Une guitare électrique vient s'élancer elle aussi, très jolie, avec des bruitages de jungle (cris de singe...). On devine donc une inspiration africaine avec des choeurs profonds, mystérieux. Le morceau est assez déstructuré avec une fin où on entend un Paul à bout de souffle, semblant mettre ses dernières forces sur ses fûts avant que la guitare ne revienne conclure le tout. Mais globalement, cela ressemble plus à une improvisation sur percussion par, malheureusement, un non-percussioniste...

Les critiques de cet album furent mitigées et son succès ne se dut qu'à la célébrité de son auteur et au fait que ce soit son premier album solo (donc curiosité des fans...). Mais Paul McCartney reconnut le caractère mineur de cette oeuvre qui peut être vue comme une transition dans sa carrière. Pourtant, son album ressemble un peu à un album des Beatles pour certaines chansons et sonorités mais pas tellement à un futur album des Wings, car trop dépouillé.

On ne sait pas vraiment ce qu'attendait l'ex-Beatles de ce disque mais parfois, on a quand même l'impression qu'il voulait juste faire patienter les fans avant la sortie de qque chose de plus abouti et ainsi surtout pour être le premier ex-Beatles à sortir un album, pour s'attirer tous les projecteurs. C'est un peu le sentiment qui domine.

Malgré tout, ce premier opus d'une très longue carrière solo regorge aussi de jolies choses à ne pas négliger et surtout de pépites extraordinaires qui en font, malheureusement, son unique force car la variété des titres ne suffit pas tellement ils sont souvent pauvres. Ces pépites, ce sont les deux seules chansons qui auront réussi à survivre et à traverser les années : "Every Night" et "Maybe I'm Amazed". Il lui aurait donc suffit d'un single et il aurait gagné tout le monde à sa cause...

Les morceaux à retenir : "The Lovely Linda", "Every Night", "Momma Miss America", "Maybe I'm Amazed".