mercredi 12 mars 2008

Paul McCartney - McCartney (1970)

Paul McCartney aura été le plus malin pour faire la promotion de son premier album solo. En effet, il a profité de l'annonce officielle de la séparation des Beatles, déclarée par lui-même, pour annoncer, par la même occasion, la future sortie de son oeuvre. Faible compensation pour les fans peut-on penser, puis c'est un peu narcissique aussi. Mais nous ne sommes pas là pour commenter cette tragique et controversée séparation.

La première oeuvre solitaire de McCartney, intitulée sobrement (mais un peu narcissiquement quand même) de son seul patronyme, est marquée, comme pour Lennon, par la rupture de style, le dépouillement et l'introspection. L'ex-Beatles a en effet choisi d'enregistrer son album en toute intimité, entre sa ferme écossaise et les studios d'Abbey Road en catimini, et surtout tout seul, jouant de tous les instruments.

La particularité de "McCartney" est également d'être une oeuvre hybride, mêlant chansons et morceaux uniquement instrumentaux. Paul McCartney a lui aussi resorti des fonds de tiroir, des titres non aboutis ou bien refusés par les autres Beatles auparavant. Les tonalités sont très variées et cela restera l'une des marques de fabrique de cet immense artiste. L'ambiance de l'album change à chaque morceau, mais globalement, on ressent tout de même un certain vague à l'âme, compensé par son amour fort pour Linda qui lui permettra d'écrire les chansons phares de cette oeuvre mineure, mais intéressante.

La pochette est très belle, c'est à noter car ce n'est vraiment pas le fort des albums de Sir Paul. C'est une photo mais on dirait un tableau. Une planche de bois (?) blanche sur un fond noir, sur cette planche, un bol avec du jus de groseilles dedans et des groseilles éparpillés tout autour. Cette image n'a rien à voir avec le contenu je pense mais on note tout de suite le côté rustique, simple et dénudé. A l'intérieur du livret, uniquement des photos prises dans des endroits différents, en Ecosse notamment, avec un Paul plus ou moins barbu, seul ou en famille, avec Linda et leurs enfants. On comprend alors à nouveau l'état d'esprit de McCartney pendant cette période, se réfugiant auprès de ses proches pour évacuer les tensions de la séparation. Il paraît serein et heureux sur les photos, une façade ?

Il est temps maintenant de rentrer à l'étable pour analyser tout cela...

- The Lovely Linda (McCartney) : Pour bien débuter cet album, une petite ode légère et animée pour Linda, sa tendre épouse. Le morceau dure moins d'une minute, ça va droit à l'essentiel : "la la la la la la Jolie Linda, avec de jolies fleurs dans les cheveux...", une jolie petite voix enamourée, une jolie petite mélodie et un Paul rieur comme un petit garçon en conclusion... Just lovely !

- That would be something (McCartney) : On reste dans le simplissime avec cette petite ballade dont les paroles se résument à : "ça serait qque chose de te rencontrer sous la pluie maman". A partir de ce court texte, McCartney développe son idée musicale, un peu comme le "Why Don't we do it in the road" des Beatles. McCartney accélère le rythme, chante plus fort, imite le bruit de la batterie avec sa bouche, pousse des cris... On le sent bien tout seul en homme orchestre sur ce titre qui ne déplaisait pas à George Harrison (au contraire de tout le reste de l'album !). Mais malgré les qques jolies phrases instrumentales (notamment à la basse), le résultat ressemble plus à une démo fignolée à la va-vite et sans but précis, tournant en rond sans jamais vraiment décoller comme dans la chanson que j'ai cité en référence plus haut.

- Valentine Day (McCartney) : Premier morceau instrumental de l'album, McCartney s'essaye plus ou moins au petit rockabilly avec une lead guitar pas trop mauvaise mais le tout reste encore très bancal et il n'y a même pas de fin ! ça se termine après 1 min 35 de petit boeuf solo et on ne peut imaginer cela comme un cadeau suffisant pour la St Valentin. Au moins Paul nous aura mis en condition pour la chanson suivante...

- Every Night (McCartney) : L'une des rares perles de cet album et en plus, une perle intemporelle. Voilà enfin une vraie chanson et qu'elle est magnifique. On tient là le vrai Paul McCartney, l'un des plus grands compositeurs de musique contemporaine. Il compose ici une jolie ballade, des plus romantiques, des plus touchantes. Dans le texte, le narrateur dit à sa belle que d'habitude il a besoin de bouger, de sortir, changer d'air, s'amuser, mais que, ce soir, il veut rester passer la soirée avec elle, tout simplement. Tout y est fluide, des paroles jusqu'à la musique, la mélodie et que dire de ces irrésistibles "ouh ouh ouh ouh"... ?

- Hot as sun/Glasses (McCartney) : Après ce pur moment de bonheur, retour aux instrumentaux avec ce morceau plutôt joyeux et ensoleillé comme l'indique à peu près le titre. La mélodie, simple et jolie, fait très carte postale, fête foraine et est beaucoup plus aboutie que celle de "Valentine Day". La fin reste toutefois mystérieuse avec ces sons glaçants et cet autre petit bout de chanson inédite qui vient s'y coller...

- Junk (McCartney) : Après ces moments d'amour et de joie, place à la mélancolie avec un morceau refusé par les autres Beatles. Malheureusement, on a envie de dire que ses ex-camarades étaient plutôt dans le vrai car ici, ça sent la mièvrerie à plein nez, surtout dans le chant, à moitié étouffé et dans les aigüs. Le texte parle d'une sorte de brocante où se trouve des objets que l'auteur qualifie de "déchets" qu'une pancarte invite à acheter mais dont les objets se demandent pourquoi justement... C'est un peu alambiqué mais quand on y regarde de plus près, il y a une vraie poésie dans ce texte dont on regrettera la mise en musique, un peu trop platounette.

- Man we was lonely (McCartney) : Encore un peu de morosité dans cette chanson malgré son petit rythme entraînant, la très jolie voix de Paul et les plaisantes interventions de Linda en choeur. Le solo doublé de guitare est raté mais les ponts sont vraiment agréables. Pour le texte, eh bien nous avons un narrateur qui, en gros, raconte qu'il était solitaire par le passé mais que maintenant, il est de retour au foyer et que ça va mieux. Encore une chanson où l'on a quand même l'impression que Paul ne s'est pas foulé et qu'il remplit comme il peut les cases vides de son album.

- Oo You (McCartney) : Retour à la pop roots avec ce morceau malheureusement trop lent et soigné. Avec un rythme plus élevé, un peu plus de conviction dans le chant (même si ça s'améliore au milieu...), on aurait pu avoir le droit à un très bon titre. Là on sent que McCartney ne sait pas trop où il veut mettre les pieds, dans le blues ou bien un rock plus affirmé. C'est entre les deux et c'est donc assez indéterminé. Dommage... Quant aux paroles, elles parlent d'une personne qui ressemble à une femme, habillée comme une demoiselle et qui parle comme un bébé...

- Momma Miss America (McCartney) : Assurément le meilleur instrumental de l'album, bien rythmé et péchu comme il faut. On a une super basse, un super piano, une bonne batterie, une guitare sympa, ça commence idéalement. On sent vraiment que Paul s'amuse bien derrière chaque instrument et qu'il y croit. La mélodie est vraiment bonne, elle balance bien et les "wouhou" intempestifs de Paul nous donnent encore plus de plaisir. Puis ça s'arrête subitement et un autre morceau très différent vient se coller à la première partie. On revient à du très classique avec une guitare électrique affirmée, une basse un peu perdue et une batterie en roue libre. Le piano revient en fin de partie, donnant un peu plus de profondeur à la chose mais sans nous convaincre autant que la première partie.

- Teddy Boy (McCartney) : Encore une des chansons rejetée par ses ex-compères et qui fait donc son apparition sur cet album. On retrouve ici le McCartney conteur, inventeur d'histoires tendres et farfelues. Ici, c'est l'histoire de Ted le Teddy Boy (mauvais garçon des années 50-60) qui aime désespérément sa mère et qui promet de la protéger jusqu'à ce qu'elle se mette avec un autre homme (son mari est mort) et Ted, ne pouvant supporter cette situation, s'enfuit. Mais il reviendra bien vite dans les bras de sa maman qui se met elle aussi à lui promettre de rester avec lui. Jolie mélodie et texte mignon donc dont Lennon se moqua gentiment. C'est vrai que c'est gentillet mais ça fonctionne bien. Paul sait très bien mettre les histoires en musique et même si ça nous emballe pas autant que son terrible "Rocky Racoon" ou encore le délirant "Maxwell's Silver Hammer", y a des bonnes idées, dont les jolis choeurs de Linda.

- Singalong Junk (McCartney) : Procédé qui sera utilisé dans d'autres albums suivants, McCartney nous propose une version instrumentale d'une chanson précédente. Avec "Junk", ça marche du tonnerre, on a le droit à une superbe petite mélodie, très soignée et agréable à souhait. Pour le coup, on se dit que ce morceau était mieux sans texte... La guitare est douce, la batterie jazzy et le piano magnifique. McCartney s'affirme à nouveau ici comme un très grand mélodiste, raffiné comme il faut.

- Maybe I'm amazed (McCartney) : S'il ne fallait retenir qu'un seul morceau de cet album, ce serait assurément celui-là (malgré "Every Night"...) car c'est LA chanson phare, celle qui éblouit et met en valeur le tout. Enfin dans cet album, Paul a trouvé la puissance juste, le son parfait dans un morceau pourtant complètement déstructuré. La sincérité de son chant nous met en émoi et nous touche profondément, c'est une nouvelle déclaration d'amour à Linda et elle est superbe. Le texte s'accoutume parfaitement à la musique : Paul est surpris de tout l'amour que Linda lui porte et réciproquement... Il s'interroge, peut-être est-il seulement un homme très seul, au milieu de nulle part et qu'elle est la seule personne à pouvoir l'aider... La seule à pouvoir lui faire comprendre les choses, à l'aider à chanter ses chansons et à le remettre dans le droit chemin. Ainsi, il ne devrait pas être surpris ("amazed") de voir combien il a besoin d'elle et il a donc très peur de la perdre. Le piano-voix marche à merveille, sans oublier cette guitare électrique enflammée, très grand morceau de bravoure d'un Paul qu'on ne connaissait pas si bon soliste. La qualité de cette chanson est indéniable, se trouvant une place vraiment unique au sein de cette oeuvre dépareillée.

- Kreen-Akrore (McCartney) : Pour finir l'album, un dernier instrumental où c'est la percussion qui est mise en avant. Une guitare électrique vient s'élancer elle aussi, très jolie, avec des bruitages de jungle (cris de singe...). On devine donc une inspiration africaine avec des choeurs profonds, mystérieux. Le morceau est assez déstructuré avec une fin où on entend un Paul à bout de souffle, semblant mettre ses dernières forces sur ses fûts avant que la guitare ne revienne conclure le tout. Mais globalement, cela ressemble plus à une improvisation sur percussion par, malheureusement, un non-percussioniste...

Les critiques de cet album furent mitigées et son succès ne se dut qu'à la célébrité de son auteur et au fait que ce soit son premier album solo (donc curiosité des fans...). Mais Paul McCartney reconnut le caractère mineur de cette oeuvre qui peut être vue comme une transition dans sa carrière. Pourtant, son album ressemble un peu à un album des Beatles pour certaines chansons et sonorités mais pas tellement à un futur album des Wings, car trop dépouillé.

On ne sait pas vraiment ce qu'attendait l'ex-Beatles de ce disque mais parfois, on a quand même l'impression qu'il voulait juste faire patienter les fans avant la sortie de qque chose de plus abouti et ainsi surtout pour être le premier ex-Beatles à sortir un album, pour s'attirer tous les projecteurs. C'est un peu le sentiment qui domine.

Malgré tout, ce premier opus d'une très longue carrière solo regorge aussi de jolies choses à ne pas négliger et surtout de pépites extraordinaires qui en font, malheureusement, son unique force car la variété des titres ne suffit pas tellement ils sont souvent pauvres. Ces pépites, ce sont les deux seules chansons qui auront réussi à survivre et à traverser les années : "Every Night" et "Maybe I'm Amazed". Il lui aurait donc suffit d'un single et il aurait gagné tout le monde à sa cause...

Les morceaux à retenir : "The Lovely Linda", "Every Night", "Momma Miss America", "Maybe I'm Amazed".

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