mardi 30 novembre 2010

Concert : Ayo. - Olympia

Oh oui, ça commence à faire beaucoup... Mais quand j'ai vu qu'Ayo. était de retour sur scène, je n'ai pu m'empêcher d'aller voir de quoi ça avait l'air. Il faut dire que ça faisait plus d'un an qu'elle ne s'était pas produite sur scène à Paris, et encore, c'était juste qques morceaux pour le "Peace One Day". Entre temps, elle s'est posée, a eu un bébé, commencé à préparer son troisième album et a bien dû faire qques apparitions ici et là, mais rien de très concret scéniquement parlant.

Cet événement à l'Olympia, c'était donc histoire de refaire doucement surface, avec une bonne action (une cagnotte reversée à l'Unicef dont elle est la marraine) et une bonne intention aussi avec l'invitation de qques guests de luxe.

Bien entendu, la salle était comble. Une aubaine pour la première partie, la jeune chanteuse australienne (mais très francophone) Emilie Gassin. Je ne connaissais pas et je pense qu'elle a encore du chemin à parcourir. Accompagnée d'un guitariste/violoniste, elle nous a chanté qques ballades folk pas désagréables, mais loin d'être très originales dans cet univers musical là.

Après une loooooooooooongue pause, Ayo. est enfin apparue à nous... toujours aussi splendide. Son groupe a encore changé, peut-être pas tous les membres, mais une bonne partie, et ça reste anglophone. Le concert, très long, fut ainsi l'occasion pour la chanteuse d'interpréter les morceaux incontournables de ses deux premiers albums (avec en plus le "And it's supposed to be love" en hommage à Abbey Lincoln, décédée il y a peu et un medley tonique de reprises dont "Single Lady" de Beyoncé !), mais également de nous faire découvrir plusieurs chansons de son prochain opus à venir, qui sortira en mars.

Et il y a vraiment de quoi être optimiste tellement ces morceaux sont toujours éclatants de fougue, de rythme et de sincérité. Tout comme la performance d'Ayo. sur scène qui fut une nouvelle fois éblouissante. Alors oui, parfois elle parle/chante trop, improvise trop ou danse même trop ! Mais il y a tellement de naturel et d'émotion chez elle qu'on lui pardonne ces qques longueurs.

Au menu des invités, que du beau monde. D'abord, ce fut Matthieu Chedid ("M") qui est venu l'accompagner à la guitare sur l'une de ses nouvelles chansons (je crois qu'ils ont collaboré ensemble sur le prochain album d'ailleurs). Puis l'inattendu Jean-Louis Aubert, venu partager également ses riffs ravageurs tout au long d'un morceau devenu boeuf interminable... Il était en compagnie de Daniel Bravo, l'un des membres de Tryo, aux percussions. Et pour finir, le père du clavier d'Ayo., un vieux monsieur très sage, mais incroyable chanteur de gospel.

A ce propos, on ne sait pas si qque chose a vraiment changé dans la foi d'Ayo., mais on aura remarqué une forte tendance à parler de Dieu, dans ses chansons ou en dehors, beaucoup plus qu'auparavant. Mais c'est un détail.

Ce fut donc un concert, comme d'habitude avec Ayo., très riche et festif avant tout. La chanteuse a une générosité et une voix qui a peu d'égal et on ne peut qu'être impatient d'une part d'écouter son nouvel album à venir et d'autre part de la revoir à nouveau sur scène. Rendez-vous en mars !

samedi 27 novembre 2010

Concert : Tété - Zénith

Et revoilà Tété, de retour à Paris après une longue tournée à travers le pays pour promouvoir son dernier album, "Le Premier clair de l'aube". Et nous l'avions vu justement, au tout début, à la Cigale, pour un show tonique comme il sait le faire.

Nous voici cette fois avec une salle bien plus grande et un public au rendez-vous. On avait été déçu par sa première partie de la dernière fois, Yom from Mars. Quelle belle surprise cette fois de retrouver ce bon vieux Jeff Lang, qui fut jadis, sa première partie à l'Olympia. Je vous avais conté ce concert il y a qques posts, tout comme le concert de Jeff Lang en solo d'ailleurs.

Bref, l'Australien a rasé sa barbe et s'est accompagné d'un jeune et très bon bassiste. Son folk/blues est toujours aussi sombre, avec qques éclaircies, et on apprécie surtout son jeu de guitare, toujours aussi technique et raffiné.

Le show de Tété fut lui beaucoup plus flamboyant évidemment, avec une playlist proche de celle interprétée qques mois plus tôt à la Cigale, mais largement plus rôdée, et avec également plus de laisser-aller et d'improvisation. Le chanteur s'est fendu à nouveau d'une jolie reprise de "Blister in the sun" des Violent Femmes et d'une seconde, inédite et solo sur scène, de "Still loving you", des Scorpions ! Et ça l'a fait !

Ce qui est fou avec Tété, c'est cette énergie sans relâche, ce rythme incroyable mis à chaque chanson et si on entend moins ses fabuleux textes en concert, on apprécie une vraie belle musicalité. Car il était aussi doté de deux excellents acolytes, un batteur et un contrebassiste.

Et on n'oublie pas de joyeux invités sur scène... A chaque fois, Tété s'est mis de côté, comme simple musicien. Le premier de ces guests, c'était Féfé, ex-Saïan Supa Crew, pour interpréter son titre, "Dans ma rue", qu'une bonne partie du public a repris joyeusement en choeur. Grosse énergie donc, et ça ne s'est pas calmé avec la venue du deuxième invité, l'excellent Abd Al Malik, en pleine promo de son nouvel album. Et il nous a interprété son nouveau single très sympa, "Ma Jolie", sans oublier de nous proposer la petite danse qui va avec... Jeff Lang aura lui aussi droit de revenir sur scène pour accompagner Tété sur qques titres dont une magnifique interprétation en duo et en acoustique du "Premier clair de l'aube", le meilleur morceau du concert selon moi.

Tété s'autorisera enfin une petite balade à travers le public, en jouant de la guitare, en fosse comme dans les gradins, et un deuxième rappel légèrement inattendu et évidemment fort apprécié. Je ne sais pas si je ferai de ce concert mon préféré parmi les trois que j'ai vu de Tété car c'est tout de même moins appréciable en grande salle, mais cela reste un show de toute beauté avec toujours une super énergie, un discours cool et rigolo, et une très belle atmosphère.

samedi 17 juillet 2010

John & Yoko / Plastic Ono Band / Elephant's Memory - Sometime in New York City (1972)

Les années 1970 avaient musicalement très bien commencé pour John Lennon avec les superbes albums "Plastic Ono Band" et "Imagine". Quelques mois après avoir sorti ce dernier, les époux Lennon décident de s'envoler pour New York. Là-bas, c'est la ferveur, sociale, culturelle, politique.

John et Yoko sont en plein dedans et, déjà bien impliqués politiquement, ils le seront encore plus au contact d'activistes chevronnés. D'autant plus que la période est particulièrement chaude aussi bien aux Etats-Unis que dans le reste du monde (Vietnam, Irlande). Tous ces problèmes inspirent un Lennon qui n'aura jamais été autant activiste après.

L'ex-Beatles va multiplier les apparitions médiatiques pour déverser toute sa verve verbale et musicale. Pour imprimer ces slogans dans le marbre, il faut publier un album. C'est ce qu'il décide donc de faire avec la très proche collaboration de Yoko Ono et Phil Spector à la production évidemment.

Pour les accompagner musicalement, vu qu'ils ne sont plus en Angleterre, il faut recruter sur place. Jim Keltner, déjà présent sur "Imagine", sera de la partie, mais pour le reste, c'est que du neuf avec la présence de l'éclectique groupe de rock américain Elephant's Memory.

Au programme des morceaux quasiment tous à connotation politique et revendicative, chantés soit par John, soit par Yoko, ou les deux. Résultat, il faut parfois s'accrocher, d'autant plus qu'on a l'impression qu'ils se sont contentés du minimum musicalement. Le plus important, c'est le texte. A noter qu'en plus de la partie "Sometime in New York City", une partie "Live Jam" a été ajoutée, présentant des morceaux joués en live en 1969 (concert pour l'Unicef) et en 1971 (avec Frank Zappa).

Le packaging de l'album met en avant la priorité des propos. La pochette, recto/verso, représente la une d'un journal avec les paroles des chansons en guise d'articles, des photos d'actualité, parodiques (Nixon et Mao dansant tout nus) ou du groupe, et quelques slogans ou bons mots disséminés ici et là. A l'intérieur, les mêmes paroles en plus gros, des photos de groupe ainsi que des gribouillages de Lennon.

Partons donc à la découverte d'un album mineur, mal aimé parce qu'il est sans doute le plus négligé musicalement de la carrière de l'ex-Beatles. Mais les paroles sont, presque toujours avec Lennon, très fouillées et vraiment bien écrites.

- "Woman is the nigger of the world" (Lennon/Ono) : Lennon ouvre son album avec ce qui constituera le seul single issu de cet opus. Une chanson très forte qui tranche immédiatement dans le vif. Le titre, qui est une phrase prononcée par Yoko Ono dans une interview en 1969 et qui choquera, comme les paroles, sont très musclés, une véritable ode au féminisme qui dénonce le traitement réservé en général aux femmes ("La femme est la nègre du monde", "l'esclave des esclaves", "Si tu ne me crois pas, alors regarde celle avec qui tu es", "Alors qu'on lui demande de ne pas être trop intelligente, on la rabaisse parce qu'elle est idiote"). Et c'est Lennon qui la chante, avec conviction. Musicalement, c'est très complet avec groupe et orchestration. La mélodie est plutôt entêtante avec solo de saxophone qui passe pas mal et une jolie ligne de basse. Une ouverture punchy donc et qui ne manque pas sa cible.

- "Sister O Sister" (Ono) : Ce fut la Face B du single, chantée par Yoko Ono, et il s'agit à nouveau d'un morceau dédié aux femmes. La chanson s'ouvre doucement avant de partir dans une ambiance rock steady plutôt sympathique. Vocalement, l'épouse Lennon s'en tire pas mal dans les couplets les plus calmes, mais dans certains, elle tire dans les aigus et là, c'est dur de chanter juste. Malgré tout, quoiqu'un peu longue, le tout passe plutôt pas mal grâce à ce rythme entraînant et une mélodie elle aussi entêtante. Côté texte, Yoko Ono appelle ses "soeurs" à se lever, se réveiller et apprendre à se battre pour gagner leur liberté.

- "Attica State" (Lennon/Ono) : En septembre 1971 ont éclaté des émeutes à la prison d'Attica State, près de New York. Les prisonniers, en majorité afro-américains, demandaient de meilleures conditions de vie. Plusieurs dizaines de prisonniers et de gardiens furent tués. Ce fut aussi dans cette prison que, coïncidence, emprisonné Mark Chapman, l'assassin de John Lennon. L'ambiance est donc ici moins bon enfant et John et Yoko chantent ensemble. Musicalement, les guitares sont acérées, la mélodie répétitive, le rythme est lourd, mais plutôt élevé, sans s'arrêter. Les paroles sont vives et féroces : "Les médias ont blâmé les prisonniers, mais les prisonniers n'ont pas tué, Rockefeller a appuyé sur la gâchette", "Libérez les prisonniers, libérez les juges, libérez les prisonniers partout, tout ce qu'ils veulent, c'est la vérité et la justice", "Maintenant, c'est le temps de la révolution, donnez leur la chance de grandir"... Lennon n'y va pas par quatre chemins.

- "Born in a prison" (Ono) : La prison, encore, mais là exprimée d'une manière plus générale par Yoko Ono. Cela commence par un petit solo de saxophone et une voix aigüe... sur un air romantique pour contraster avec des paroles bien noires comparant la vie à une prison : "Nous sommes nés dans une prison, élevés dans une prison, envoyés dans une prison appelée école, nous pleurons dans une prison, nous aimons dans une prison, nous rêvons dans une prison comme des idiots". Très optimiste donc. Lennon apporte sa voix à certains moments pour des choeurs mal maîtrisés. Nouveau solo de saxophone, languissant, pour la fin, avec une Yoko hurlant "Born in a prison". On préférait quand elle chantait pour ses "soeurs"...

- "New York City" (Lennon) : Place à un intermède avec ce morceau qui ne contient rien de revendicatif. Non, Lennon, comme il a déjà sur le faire notamment avec "The Ballad of John & Yoko", raconte sa vie à New York, ses rencontres (l'activiste Jerry Rubin, le musicien David Peel), ses visites, ses activités, sous la forme d'un récit emballant. La mélodie suit, très entraînante et rythmée, sous la forme d'une chanson rock tout à fait sympathique.

- "Sunday Bloody Sunday" (Lennon/Ono) : A ne pas confondre bien évidemment avec l'excellent tube de U2 même si l'intro y ressemble, peut-être en hommage à Lennon ? Ce morceau relate le drame du 30 janvier 1972 lorsque l'armée britannique a tiré sur des manifestants à Derry, en Irlande du Nord. Un événement resté tristement célèbre. Musicalement, c'est pas très irlandais, plutôt funky et exotique, à la "Sympathy for the devil" ou encore "Come together", et il y a d'ailleurs un passage lors duquel Lennon chante quasiment pareil que dans la chanson d'"Abbey Road". C'est plûtôt intéressant, mais Yoko Ono vient hurler sur les refrains "Sunday Bloody Sunday" et ça gâche tout. Côté texte, Lennon taille les Anglais et appelle clairement à l'indépendance de toute l'Irlande.

- "The Luck of the Irish" (Lennon/Ono) : A nouveau un morceau qui colle au précédent. Les Irlandais sont donc à l'honneur ici, Lennon refaisant l'histoire dans une ballade plus traditionnelle et douce. C'est donc avec beaucoup d'ironie que l'ex-Beatles chante, en compagnie de Yoko (qui passe mal ici aussi) notamment : "Si tu avais la chance des Irlandais, tu serais désolé et souhaiterais être mort" ou "être plutôt anglais", "mille ans de torture et de faim", "une terre pleine de beauté violée par les brigands britanniques", "Pourquoi diable les Anglais sont là ? Ils tuent avec Dieu de leur côté"... Des paroles très violentes donc, sur une jolie petite mélodie avec flûte et guitare...

- "John Sinclair" (Lennon) : John Sinclair, poète américain et manager du groupe MC5, fut condamné en 1969 à 10 ans de prison pour avoir donné du cannabis à un policier infiltré. Une peine évidemment bien lourde qui a provoqué l'ire d'une bonne partie de la scène hippie américaine. Lennon fit partie de ses défenseurs et lui consacra cette chanson au texte à nouveau très direct : "Laissez-le vivre, libérez-le, laissez-le vivre comme vous et moi (...) Il faut le libérer (...) S'il était un soldat, de la CIA, vendant de la drogue, il serait libre, ils le laisseraient vivre, respirer comme vous et moi (...) qu'est-ce que ces salauds peuvent faire de plus ?". L'esprit musical est très rythmé, dans un genre proche de la country avec d'excellentes parties de guitares. Un bon petit titre enlevé et efficace.

- "Angela" (Lennon/Ono) : Angela Davis, militante communiste des droits de l'homme aux Etats-Unis, a elle aussi connu bien des problèmes avec les autorités. Elle sera elle aussi soutenue à travers le monde et comme pour John Sinclair, Lennon lui consacre une chanson magnifique, pour moi la plus belle de l'album. Qu'il l'appelle par son prénom ou "Sister", le couple Lennon lui a écrit un texte vibrant : "Angela, ils t'ont mis en prison, ils ont tué ton homme, tu es une parmi les millions de prisonniers politiques dans le monde / Soeur, il y a un vent qui ne meurt jamais, on respire ensemble / Angela, tu retourneras bientôt avec tes soeurs et frères du monde, Soeur, il y a un million de races différentes mais on partage tous les même futur dans le monde". Musicalement, c'est plus calme, une longue chanson douce et forte à la fois sur le refrain, John et Yoko unissant leur voix pour ce bel hommage. On aime beaucoup la partition d'orgue.

- "We're all water" (Ono) : C'est Yoko Ono qui conclut la partie "Sometime in New York City" avec un morceau complètement au rythme enlevé et foutraque où elle fait l'éloge de la "relativité". A chaque couplet, elle met en opposition deux personnalités célèbres mais éloignées artistiquement ou idéologiquement (Mao, Nixon, Marilyn Monroe, la reine d'Angleterre...) en disant qu'il n'y aurait pas beaucoup de différences entre eux si on les mettait nu, on écoutait le battement de leur coeur, on les entendait chanter, etc. Plutôt ingénieux et poétique. Et dans le refrain, elle explique que nous sommes tous de l'eau, issue de différentes rivières et que nous sommes réunies dans un vaste océan : "Un jour, nous nous évaporerons tous ensemble". L'artiste Ono est de sortie pour le texte, mais aussi dans le chant où elle n'omet pas qques cris et hurlements bien caractéristiques sur une musique tonitruante à la "Benny Hill". Eh eh.

- "Cold Turkey" (Lennon) : Le 15 décembre 1969, John Lennon et le Plastic Ono Band naissant se produit lors d'un concert de charité pour l'Unicef au Lyceum Ballroom de Londres. Le groupe est très très riche avec notamment George Harrison, Eric Clapton, Delaney & Bonnie, Nicky Hopkins, Billy Preston, Jim Keltner, Bobby Keys, Klaus Voormann, Alan White, Keith Moon... Ils interprèteront notamment l'un des premiers single solo de Lennon, "Cold Turkey". "This song is about pain" ("cette chanson parle de douleur") lance le futur ex-Beatles à l'assistance avant que la musique ne résonne. On reparlera plus tard du morceau en lui-même, mais sa performance est ici excellente et intense (les cris primaux sont de sortie), durant près de 8 minutes tout de même ! Musicalement, le groupe tient très bien la route derrière.

- "Don't worry Kyoko" (Ono) : Autre morceau live issu du concert de 1969. Cela commence très hard avec un cri de Yoko et à vrai dire, elle va crier tout au long de cette "chanson", d'une vaste durée de 15 minutes (!), dédiée à sa fille Kyoko. Entre deux hurlements, elle lui dit qu'elle l'aime et de ne pas s'inquiéter. Cela a tout du délire expérimental où, derrière le "chant" de Yoko Ono, le groupe jamme à tout va dans un rock lourd ma foi très classique et qui s'accélère à la fin. Le public londonien a dû apprécier.

- "Well (Baby please don't go)" (Ward) : On passe à un autre live, le 6 juin 1971, au Fillmore East de New York, où l'on retrouve John Lennon et Yoko Ono en compagnie de Frank Zappa et ses "Mothers of Invention". Sur la dernière version remasterisée (et allégée) de l'album, datant de 2005, on ne trouve que cette reprise du chanteur de R'n'B américain, Walter Ward. Il s'agit d'un classique que les Beatles jouaient à la Cavern. Le morceau est ici largement revisité à la sauce rock 70's et c'est du tout bon musicalement. Lennon est toujours aussi excellent pour chanter du rock et c'est une belle prestation même si on se serait bien passé des hurlements intempestifs de Yoko...

- "Jamrag" (Lennon/Ono) : Le show avec Zappa continue. Voici un morceau originellement intitulé "King Kong" et composé par Frank Zappa. Mais il a été crédité au nom du couple Lennon, on ne sait pas trop pourquoi. Il commence avec des cris primaux dont on distingue nettement celui de Yoko. Une musique psychédélique suit, ma foi plutôt sympathique, oscillant entre jazz et funk. Yoko accompagne le groupe avec ses hululements... La fin reprend un peu comme au début... Faut aimer l'impro primale quoi.

- "Scumbag" (Lennon/Yoko/Zappa) : Le délire continue avec un morceau déjà plus enlevé et qui commence sous de bons augures. Les paroles, chantées par Lennon, sont réduites au minimum : "Scumbag". D'ailleurs, Frank Zappa invite, au milieu du morceau, le public à reprendre en choeur "Scumbag". Musicalement, c'est pas mauvais. Yoko tente des hululements, mais on l'entend moins.

- "Aü" (Lennon/Ono) : Il s'agit du morceau qui clôt la prestation du couple Lennon avec Zappa. Enfin, si on peut appeler cela un morceau... C'est une sorte de fin avec des vibrations de guitares et il paraît que Yoko réalisait une performance en même temps, mais sur le CD, on ne peut pas le voir évidemment... On entend au moins qques hululements pour terminer et les applaudissements du public, visiblement très heureux. Merci Yoko.

Après une bonne écoute, on ne peut pas vraiment dire qu'on passe un super moment à écouter "Sometime in New York City", surtout après "Plastic Ono Band" et "Imagine". Il est clair que le personnage en solo de John Lennon a pris de l'ampleur médiatiquement et qu'il veut en profiter. Cette rencontre humaine et musicale avec le milieu "gauchiste" américain est intéressante et démontre le réel intérêt de l'ex-Beatles pour ces sujets.

Maintenant, on ne sait pas trop ce qu'il ambitionnait musicalement avec cet album. Malgré des textes forts et des mélodies faciles, il est difficile de coller une étiquette "éternelle" à celui-ci. Surtout avec la participation omniprésente et crispante d'une Yoko Ono qui ne relève pas le niveau de l'ensemble.

Si "Sometime in New York City" s'inscrit parfaitement dans son époque, son contexte particulier, il ne va pas au-delà. Lennon sera blessé par les critiques et le mauvais accueil du public. Il laissera tomber tout cela, ou presque, et reviendra à ce qu'il sait faire de mieux avec "Mind Games", mais on en parlera un autre jour.

Les morceaux à retenir : "Woman is the nigger of the world", "Sisters O Sisters", "New York City", "Angela".

lundi 12 juillet 2010

Concert : Divers - Let it be live

Un concert hommage aux Beatles à la Salle Pleyel ? Je ne pouvais que m'assurer d'en être ! C'est dans le cadre du festival Days Off, à Paris, que se déroulait cet événement assez singulier. L'idée, initiée par David Coulter (ex-Pogues), était de rejouer l'album "Let it be" des Beatles en live avec quelques artistes français et internationaux parce qu'il s'agit, cette année, du 40e anniversaire de sa sortie. Ce fut le dernier album des Beatles à sortir, peu de temps après leur séparation. Et on rappellera que ce ne fut pas pour autant le dernier à avoir été enregistré. Le vrai dernier album des Beatles, c'était "Abbey Road".

Après ce petit rappel historique, place au live. Déjà, j'étais content parce que je n'avais jamais été à la Salle Pleyel, surtout connue pour accueillir des concerts de musique classique. Mais je sais qu'elle se diversifie parfois et de plus en plus d'ailleurs. C'est une salle splendide, très clean. Dommage qu'elle n'ait pas fait le plein pour l'occasion.

Au programme de ce concert, toutes les chansons, ou presque (exit les petits morceaux de transition tels que "Dig it" ou "Maggie Mae"), de "Let it be" (+ "Don't let me down"), ainsi que quelques morceaux d'"Abbey Road" et de "McCartney" pour durer un peu plus longtemps.

Premier à entrer sur scène, un choeur, les "Sense of Sound Singers", pour un "Let it be" a cappella. Un peu trop mielleux à mon goût. En plus, ils faisaient des gestes en même temps et une malheureuse choriste a shooté dans un micro qui est tombé par terre. Gag.

Le groupe de David Coulter est ensuite entré en scène, prêt à accompagner tous les intervenants et ceci de manière très fidèle par rapport à l'orchestration originale des chansons. Première sur le grill, Camille O'Sullivan, une Irlandaise au caractère très trempé, une vraie diva rock. Elle s'est farci "Dig a Pony" et "I me mine" de manière un peu trop énervée peut-être.

Un peu de douceur ensuite avec une fabuleuse interprétation de "Sun King" par la chorale du début. Aérien. Avant que Camille O'Sullivan ne revienne mettre du piment sur scène avec un musclé "One After 909" qui est bien passé.

Nouveau groupe sur scène ensuite : Coming Soon. Les petits jeunes remplaçaient Cocoon qui a déclaré forfait. Ils ont livré une version intéressante de "Two of us", un peu plus rythmée que l'originale, avant de nous offrir un "For you blue" un peu plus classique.

Ensuite, l'un des plus beaux moments de la soirée : "The Long and winding road" par Camille O'Sullivan. Je ne suis pas forcément très adepte de cette chanson bien sirupeuse mais là, j'ai été bluffé par la présence, seule sur une chaise, avec un rond de lumière pour seul éclairage, de l'ébouriffante irlandaise. C'était posé et très émouvant. Frissonnant même.

Elle a ensuite été rejoint sur scène par Loney Dear, un chanteur suédois sacrément sympathique et bon avec ça. Super voix, super charisme. Ils se sont lancé ensemble dans "Don't let me down" et c'est bien passé. Belle énergie à revendre les deux loulous.

Loney Dear a poursuivi seul avec "Something", toujours pas mal, avant que la chorale n'offre un splendide "Every Night".

Le concert a continué son chemin avec une grosse ovation pour Yael Naim (et David Donatien, elle n'aime pas qu'on l'oublie). C'était un peu LA star de la soirée. Elle s'est chauffé avec une interprétation magique de "Across the Universe", ajoutant quelques accents orientaux en fin de parcours.

Après, ce fut un peu la déception. En effet, Yael Naim nous a dit qu'elle n'avait jamais entendu parler de la chanson à venir, mais qu'elle l'avait trouvé très belle et donc voilà. Du coup, je ne sais pas si c'est elle qui avait choisi de la chanter ou non. Je ne crois pas. Ce morceau, c'était "Junk", parue sur le premier album solo de Paul McCartney, "McCartney", dont j'ai déjà parlé ici-même. Bien sûr, elle l'a bien chanté, mais en lisant les paroles sur un pupitre. Mouais.

Elle s'est rattrapé ensuite en indiquant que, quand elle était petite, elle est devenue folle des Beatles et avait chanté et joué "Let it be" pendant un an entier, et que ça avait cassé les oreilles de son père. Jolie anecdote. Donc, elle a chanté "Let it be", en duo avec Loney Dear. Et c'était pas mal.

Puis ce fut la catastrophe de la soirée. Mathias Malzieu (chanteur du groupe Dyonisos) est, selon moi, qqu'un de très doué. Pas un super chanteur, mais un remarquable arrangeur, aussi bien pour son groupe que pour sa compagne, Olivia Ruiz. Et c'est aussi un grand showman. Il nous l'a bien montré en débarquant avec furie sur scène. Immédiatement, il a demandé à tout le monde de se mettre debout, pour faire "comme si on était dans un pub anglais".

Et il est parti pour un "Oh Darling" pétaradant, mais horriblement chanté, on ne reconnaissait pas du tout la mélodie. Puis il se servait à son tour du pupitre pour voir les paroles... Bref, ça duré beaucoup trop longtemps parce qu'il en rajoutait toujours plus. Un calvaire.

Evidemment, il était encore de la partie pour "I've got a feeling" que j'attendais impatiemment. Il l'a chanté en duo avec Camille O'Sullivan qui s'est malheureusement pris à son jeu. Bon, elle n'a pas été, comme lui, jusqu'à se jeter dans le public, mais ce fut à nouveau difficilement écoutable, d'autant plus que lui perdait régulièrement le fil des paroles...

Même topo ensuite pour le final, "Get Back", avec cette fois Yael Naim en accompagnatrice. Cette dernière fut moins délurée que l'Irlandaise, mais elle a quand même fait valser ses petites bottes pour l'occasion. Pas franchement convaincant non plus.

Et c'était la fin, tout le monde est venu saluer. Et comme le public insistait pour un rappel, tous les artistes ont repris une dernière fois en choeur "Let it be", et c'était plutôt pas trop mal, même si largement improvisé, sans solo et à rallonge.

Au final, c'était l'exemple type du concert qui part d'une très bonne initiative, originale, mais qui, comme toujours, ne réunit pas toujours tous les artistes les plus adaptés. Du coup, le tout laisse un sentiment mi-figue mi-raisin malgré la bonne ambiance. Mais, pour effacer cela, il suffit de rentrer chez soi, mettre l'album original sur sa platine, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes...

P.S. : La Salle Pleyel a eu la bonne idée après le concert d'organiser un cocktail pour le public avec, en fond sonore, un DJ passant des chansons des Beatles et des quatre en solo. Cool cool, mais je n'y suis pas resté longtemps parce que le champagne était réservé au carré VIP et qu'il fallait finalement payer pour boire ou manger. Bouh.

lundi 28 juin 2010

Concert : Jeff Lang - Divan du Monde

Comme vous avez pu le lire précédemment, la première partie de Tété à l'Olympia en 2007 m'avait beaucoup plu. Il s'agissait de l'Australien Jeff Lang, super chanteur et super guitariste folk.

Quelques mois après cette jolie mise en lumière, le bluesman était de retour, en haut de l'affiche cette fois, au Divan du Monde. C'était en décembre 2007. Petite salle, petit public, mais une ambiance chaleureuse et même une première partie aussi, assurée par Mick Hart, un autre Australien adepte du même registre country/folk/blues, tout seul à la guitare. Pas mal.

Ce genre n'est pas mon préféré car souvent bien répétitif, mais Jeff Lang dénote je trouve par son excellent jeu à la guitare et une voix nasillarde et puissante, fort agréable à écouter. Il sait également bien alterner entre chansons entraînantes et plus douces. Je ne pourrais pas en citer de particulières pour le moment, mais j'aime bien, globalement.

Bon petit concert donc, et j'avais remarqué la présence incognito dans le public de Tété himself que je n'ai pas manqué d'aller saluer pour qu'il me signe un autographe à destination de ma dulcinée, folle de lui et de sa musique, comme je vous l'avais aussi déjà dit...

samedi 26 juin 2010

Concert : Tété - Olympia / La Cigale

Tété est vraiment un artiste à part sur la scène musicale française. Son originalité se retrouve dans son personnage frêle et décalé, bavard et lettré, et bien entendu dans sa musique qui allie subtilement le folk, la pop et une chanson française à texte ultra stylisée.

Je l'ai découvert sur le tard et je me suis procuré ses albums par hasard, après que ma dulcinée ait flashé sur sa tête, sur l'une de ses pochettes... Elle trouvait qu'il ressemblait un peu à Bob Marley et elle adore Bob, donc...

J'ai acheté et écouté ses albums et ce fut une vraie bonne suprise, aussi bien pour elle que pour moi. Il y a trois ans, Tété passait à l'Olympia alors, évidemment, on ne pouvait rater cela. Son dernier album était à l'époque "Le Sacre des lemmings et autres contes de la lisière", un très bel opus.

La première partie était assurée par Jeff Lang, un Australien barbu, 100% folk, et super fort à la guitare. D'habitude, les premières parties sont rarement emballantes, pour différentes raisons, mais là, ce fut une vraie découverte et je n'ai pas hésité à lui acheter un disque à la sortie, dédicacé en plus.

Ce fut ensuite au tour de Tété qui nous a offert un vrai show, digne de lui, drôle, bavard et magnifiquement orchestré. Je ne me souviens pas de moment particulier, si ce n'est un Joey Starr surexcité au balcon VIP. En tout cas, ce fut un excellent concert dont je garde un très bon souvenir.

Tété étant un grand globe-trotter, tournant loin, très loin, jusqu'en Australie, on ne l'a plus beaucoup revu sur scène par chez nous ensuite. Il a suffi qu'il sorte un nouvel album, "Le Premier clair de l'aube" cette année pour enfin le revoir pointer le bout de son nez à Paris.

C'était il y a quelques temps, à la Cigale, une fort belle salle où j'avais déjà applaudi Sean Lennon. Une nouvelle fois accompagné de ma dulcinée, complètement gaga pour Tété, j'étais prêt pour un nouveau joli moment.

La première partie fut cette fois assez décevante avec Yom from Mars, un Français 100% folk là aussi, mais vraiment trop seul avec sa guitare, et surtout trop répétitif. La venue d'un choriste pour l'épauler n'a pas changé grand chose. Dommage.

Ensuite Tété a débarqué. Moins bavard que la dernière fois et puis avec une petite sacoche accrochée à lui mais dont il ne se servira jamais... Etrange... Le show fut une nouvelle fois très dynamique et flambeur, même si on a regretté l'absence d'une section de cuivres comme la dernière fois.

Tous ses plus grands succès y sont passés, comme les principales chansons de son nouvel album. On a aussi eu le droit à une reprise très sympa de "Blisters in the sun" des Violent Femmes, mais le public, pourtant très chaud et fidèle, n'a malheureusement pas trop suivi... Rah !

Puis il y a eu cette jolie surprise, la venue sur scène de Yael Naim et son fidèle acolyte, David Donatien, pour quelques reprises blues bien senties.

Au final, le show fut donc encore une fois de bonne qualité, emballant et mené tambour battant par un Tété des grands soirs, malgré une petite grippe apparemment. Heureusement, il était bien là, le public aussi, et il nous tarde déjà de le revoir.

lundi 12 avril 2010

George Harrison - Living in the material world (1973)

Le "Concert for Bangladesh" de 1971 a épuisé l'ex-Beatles George Harrison. Pas forcément le concert en lui-même, mais l'après. Il a fallu gérer cet album à sortir, sa production, etc.

Puis après cet immense succès que furent "All Things must pass" puis le "Concert for Bangladesh", difficile de s'y remettre. Sans oublier que les procès de liquidation de l'entité Beatles étaient aussi d'actualité.

Avec "Living in the material world", on sent un George Harrison décidé à passer à autre chose, tourner la page du passé et s'épanouir enfin tout seul. Bien sûr, il l'avait démontré de manière excellente avec "All Things must pass", mais cet album-là détenait des chansons plus ou moins écrites alors qu'il était encore un Beatles.

Cette fois, George Harrison est bien seul, quoique toujours entouré des ses fidèles amis musiciens afin de mettre en boîte cet album : Klaus Voormann, Jim Keltner, Ringo Starr, Nicky Hopkins, Gary Wright... Toujours les mêmes depuis le début et les mêmes que chez Lennon également. C'est dire le véritable esprit de famille qui continue de régner chez ceux-là.

Ainsi, "Living in the material world" prend une tournure plus mystique, avec beaucoup de titres voire quasi tous référant à la religion et à la spiritualité. La très belle pochette de l'album, noire avec la paume d'une main rose et bleutée (avec un tampon au centre), en témoigne. Tout comme cette photo, dans le livret où l'on voit apparaître George Harrison, tel un Jésus Christ, au centre d'une tablée bien dissipée...

Le livret de l'album remasterisé a été revu à la hausse qualitativement et nous offre beaucoup plus de photos et d'indication que l'originel qui ne délivrait que les paroles des chansons ainsi que des gravures indiennes rendant gloire à Krishna.

Dans ce nouveau livret, le spécialiste des Beatles, Kevin Howlett, nous raconte un peu la genèse de cet album. Il indique notamment que George Harrison ne visait pas du tout un succès commercial (ça tombe bien, ce sera son dernier avant très longtemps) avec cet album, ceci expliquant son côté sombre et mystique. Finie aussi la grosse production de Phil Spector (sauf sur un morceau), place à du rudimentaire. Enfin plus ou moins, parce que l'on sent encore une certaine influence spectorienne dans les échos.

Le livret comporte également beaucoup plus de photos, des partitions, les paroles des chansons aussi avec les commentaires d'Harrison himself issus de son autobiographie "I, me, mine".

Il est désormais temps de passer à l'analyse chanson par chanson...

- "Give me love (Give me peace on Earth)" (Harrison) : C'est LE tube de l'album qui introduit l'opus. Une douce et remarquable chanson, l'une des plus belles composées par Harrison. Il y a tout ce qu'il faut pour faire chavirer les coeurs bien qu'il s'agisse d'une ode à Dieu : une voix magnifique, une mélodie si jolie et entraînante, et un texte simple et beau à la fois. Musicalement, c'est enivrant de bonheur, avec de très belles parties de piano et de slide guitar notamment. Malgré la répétition du même couplet durant tout le morceau, le résultat est efficace et charmeur. A propos de cette chanson, Harrison qu'il s'agit simplement d'une "prière et d'un état personnel entre moi, le Seigneur et quiconque aime cette chanson". Une ode, qui comme "My Sweet Lord", touche parfaitement à son but.

- "Sue me, sue you blues" (Harrison) : Un morceau très matérialiste, et pas le plus réussi. On y trouve un Harrison amer et ironique, évoquant explicitement dans ses paroles les procès en cours entre ex-Beatles, d'où ce "Blues" composé à cet effet. Beaucoup d'échos ici, un rythme saccadé, bien marqué par la batterie et la bottle-neck guitar d'Harrison lançant ses saillies par intermittence. Un morceau un peu difficile à apprécier je trouve, très sombre, mais pas inintéressant musicalement pour autant, très bluesy en tout cas, sans conteste.

- "The Light that has lighted the world" (Harrison) : Même si le titre le laisse croire, cette chanson-là n'est pas vraiment spirituelle non plus. C'est une histoire intéressante. Harrison raconte qu'il enregistrait un single pour Cilla Black, fameuse chanteuse de Liverpool, quand lui est venue ce morceau, enfin son texte plutôt. Où Harrison est confronté au regard des gens de chez lui, à Liverpool justement, qui trouvent qu'il a changé, qu'il n'est plus le même qu'avant. Harrison s'interroge ainsi dans cette chanson sur cet état de fait et ses conséquences. Est-ce un péché que de changer ? Pour lui, c'est inévitable alors autant ne pas y faire attention. Musicalement, le morceau est ainsi rempli de mélancolie. Et c'est ainsi que la majeure partie du morceau est jouée au piano, avec tout plein d'écho pour rendre cela encore plus larmoyant. Car la voix d'Harrison l'est, larmoyante et déjà annonciatrice de son futur vocal. On a l'impression qu'il se lamente, les larmes aux yeux, aidée de temps à autre par sa jolie slide guitar... Le résultat final est tout de même tout à fait joli et enchanteur, avec un très beau pont et une subtile conclusion.

- "Don't let me wait too long" (Harrison) : Pas de commentaires de l'ex-Beatles sur ce morceau qui est une banale chanson d'amour s'adressant à sa belle et non pas à Dieu, pour une fois ! Banale, j'exagère. J'aime le rythme entraînant de ce morceau, la voix aigüe d'Harrison qui va chercher bien haut sur une mélodie vraiment joyeuse et pleine de sentiments. Et musicalement, les tin tin des percussions sont très bons, tout comme les parties de guitares et de piano. Côté texte, c'est pas super original, c'est pour ça : "Comme tu me manques bébé, ne me laisse pas trop attendre". Ok ok, mais ça a dû lui rappeler ses chansons du début et c'est pas si mal.

- "Who can see it" (Harrison) : Contrastant clairement avec la chanson précédente, ce morceau est beaucoup plus calme. Harrison dit avoir pensé à Roy Orbison en la composant. Possible, la voix l'imite un peu, toujours aussi haute. On a affaire ici à un morceau qui, musicalement, est un peu grandiloquent, spectorien, avec des envolées lyriques, avec cuivres et cordes ou presque. En tout cas, déjà beaucoup d'écho, surtout sur la fin. Dans le texte, ce n'est ni vraiment une chanson d'amour, ni vraiment une chanson spirituelle... On ne sait pas trop, Harrison y dévoile juste ses sentiments intérieurs, exprimant que son amour appartenait à quiconque pourrait le voir... Donc, c'est un morceau pas vilain mais sans doute un peu trop démesuré pour l'ami George. Mais il va récidiver...

- "Living in the material world" (Harrison) : L'autre simili tube de l'album. Une longue chanson, "une comédie avec qques blagues dedans" selon Harrison. Et qui le fait ! Retour à la joie et à la bonne humeur. Musicalement, c'est touffu, avec double batterie (duo Keltner / Starr) et cuivres notamment (supers solos de guitare et de saxo enchaînés). Les parties de guitare sont très funky et on apprécie bien le piano aussi. La structure est intéressante, avec une succession de couplets très rythmés et l'apparition par deux fois de ponts chantés tout en douceur et hauteur, musique indienne à l'appui... Ces parties collant parfaitement au texte dans lequel Harrison confie avec un certain détachement son appartenance au "monde matériel" alors qu'il voudrait bien se trouver plutôt dans le monde spirituel. Mais contrairement à d'autres chansons, ici il ne se prend pas vraiment au sérieux, intégrant même dans son texte ses ex-compères "John and Paul", mais aussi "Richie" (Ringo !). C'est le morceau-titre de l'album, pas forcément le morceau-phare mais il est tout de même bien plaisant.

- "The Lord loves the one (That loves the Lord)" (Harrison) : Et voici une chanson 100% spirituelle. Harrison dit l'avoir écrite après la visite d'un prêcheur "Hare Krishna" qui lui indiquait qu'au fond, à quoi ça servait de courir après la richesse et la célébrité alors qu'à notre mort, tout disparaît ? Pas bête... Donc Harrison nous dit ici de plus penser à Dieu et à tout ce qu'il nous offre en échange de notre amour pour lui. Musicalement, ce message est enrobé sous une mélodie tout à fait sympathique, avec slide guitar et cuivres animés. Un morceau vaguement bluesy ou country au service d'un message oriental, pourquoi pas ? On aime beaucoup le solo de guitare final.

- "Be here now" (Harrison) : Ambiance beaucoup plus calme ici... Une mélodie qui est venue à Harrison rapidement, alors qu'il s'endormait en Californie... Ma foi, c'est une jolie balade, toute en rondeur, et encore un peu trop d'écho malheureusement. Mais c'est globalement très subtil et on apprécie la douceur du chant d'Harrison. Le texte lui va bien, bien qu'assez mystérieux... La chanson est peut-être un peu trop longuette.

- "Try some buy some" (Harrison) : Phil Spector devait bien se retrouver qque part sur cet album ! Le voilà, enfin juste pour l'orchestration. Histoire intéressante que cette chanson. Composée par Harrison à l'époque d'"All Things must pass", elle a été offerte à Ronnie Spector pour en faire un single, son producteur de mari, Phil, se chargeant des arrangements musicaux. Qques années plus tard, l'ex-Beatles a gardé la même orchestration mais avec sa voix dessus. Le résultat est assez différent, forcément. Harrison reprend sa voix la plus larmoyante, ses aigüs et s'embarque dans une envolée lyrique, accompagné de la grandiloquence musicale de Phil Spector. Mais il s'agit tout de même d'un titre très fort de l'album, une très belle mélodie et un texte spirituel mélangeant concret et abstrait d'une manière intéressante. On ne sait pas vraiment ce qu'est le "some". On essaye, on achète, mais de quoi s'agit-il ? Harrison seul le sait...
- "The day the world gets round" (Harrison) : On continue dans le symphonique ici avec tout le tralala orchestral, au service d'une chanson qui appelle le monde à la raison. Ecrit le lendemain du "Concert for Bangladesh", ce morceau reflète la vision désanchantée d'un Harrison qui s'est rendu compte de l'égoisme de nos dirigeants. Dans son texte, il rappelle que si tous les pays s'entraidaient tous un peu au lieu d'acheter des choses inutiles, telles que des armes, on pourrait nourrir tous ceux qui en ont besoin... Chanson ô combien humaniste donc, et un peu spirituelle quand même puisque l'ex-Beatles en appelle à Dieu. Cependant, malgré son ton un peu prêchi-prêcha d'époque, c'est une bonne chanson, efficace et point trop longue, avec un pont énergique.

- "That is all" (Harrison) : Un bon titre pour finir un album, non ? "C'est tout". Eh oui, dernier titre, et c'est une chanson d'amour sur laquelle Harrison n'a rien de particulier à dire. Une jolie mélodie sur laquelle est posé un joli texte d'où ressort une belle simplicité : "C'est tout ce que je veux de ta part, un sourire quand je ne me sens pas bien, c'est tout ce que j'attends, ton amour et rien d'autre, et c'est tout". Joli donc, mais le principal défaut de cette chanson c'est la voix de George, ici bien trop appuyée dans les aigüs et le larmoyant, encore une fois. C'est vraiment dommage. Tout cela accompagné à nouveau d'une orchestration sans doute un peu trop importante qui transforme une simple chanson en grande soupe variétoche...

- "Deep Blue"* (Harrison) : Comme tout bon album remasterisé, des bonus nous sont offerts. Ici, deux chansons inédites sur album car faces B de singles. "Deep Blue" figurait sur le single "Bangladesh". On y retrouve une chanson toute mimi, dépouillée au possible, juste George et sa guitare. Très bluesy, c'est un vrai régal, dans la veine de "For you blue" de l'album des Beatles "Let it be". Tel un bon blues qui se respecte, George chante avec sa belle voix éraillée tout le mal-être que lui offre la vie...

- "Miss O'Dell"* (Harrison) : Face B de "Give me love (Give me peace on Earth)", c'est avec ce morceau qu'on retrouve un Harrison facétieux et rigolard. Oui, parce que c'est une version ratée qu'a offert à son public l'ex-Beatles. Tout va pour le mieux au début de la chanson, puis après qques instants, des rires, un Harrison qui, malgré ses tentatives de garder le fil de son chant, finira hilare... Plutôt que de garder cette souriante séquence en tant que démo dans une éventuelle anthologie, l'ex-Beatles, dont on connaît l'humour, a préféré la garder comme version finale et elle constitue ainsi une magnifique face B. Car c'est aussi un excellent morceau, qui fait beaucoup penser à "Apple Scruffs" de l'album "All Things must pass", avec harmonica et cloches de rigueur. Une chanson remplie de bonne humeur donc où Harrison glisse des mots d'amour envers une mystérieuse "Miss O'Dell", vague cousine de Denis O'Dell ? Une vraie pépite en tout cas qu'on ne peut écouter qu'avec un grand sourire nostalgique...

Le coffret remasterisé de l'album offre également un DVD avec qques petits bonus intéressants. On y trouve un petit document d'entreprise montrant le pressage de l'album dans les usines Philips (je crois), mais aussi Harrison chantant "Give me love (Give me peace on Earth)" lors de son live japonais (qui n'est toujours pas disponible en version intégrale, d'autres morceaux se trouvant sur le DVD "Dark Horse"), ainsi que les deux démos suivantes :

- "Miss O'Dell"* (Harrison) : Je vous ai donc indiqué que le facétieux George Harrison avait privilégié une version "manquée" de cette chanson pour mettre en face B de son single. Mais il avait tout de même réussi à interpréter ce morceau convenablement et on trouve la version "réussie" ici. Pas de rires mais une chanson toujours aussi sympathique...

- "Sue me, sue you blues"* (Harrison) : Pas de version rigolarde de ce blues, non, mais une démo acoustique avec George seul à la bottle-neck guitar. Et ça le fait... Techniquement, c'est irréprochable, et la voix raillée d'Harrison s'accorde parfaitement avec le son métallique de son instrument.

Le retour aux affaires de George Harrison est toujours aussi teinté de spiritualité et d'un certain désanchantement. La note globale de cet album est plutôt sombre et mélancolique, même si l'ex-Beatles n'a pas oublié de placer quelques chansons rythmées et joyeuses, histoire de ne pas doucher complètement l'ambiance.

Ce qui est clair, c'est que c'est vraiment à partir de cet album que l'on détectera les plus fidèles disciples de George Harrison. Car il faut parfois s'accrocher à cette production pompeuse et cette voix qui commence déjà à sérieusement dérailler. Harrison ne s'est jamais revendiqué grand chanteur, et Lennon a déjà rappelé qu'il n'était pas "Sinatra", mais son timbre était pourtant très agréable jusqu'au concert pour le Bangladesh. D'où vient cette faiblesse grimpante ? La cigarette peut-être.

Toujours est-il que "Living in the material world" prépare donc à l'auditeur aux albums suivants. Une chose qu'on ne pourra pas reprocher à Harrison, c'est toute cette sincérité et ce naturel qu'il met dans ses chansons. Il ne cherche pas l'adoubement populaire et le succès, il joue sa musique, que ça plaise ou non.

Au final, "Living in the material world" est loin du niveau d'"All Things must pass", avec une homogénéité sonore un peu dommageable, notamment dans les grandes orchestrations, mais il garde une ligne intéressante et solide. C'est donc un album de bon niveau, avec quelques titres de qualité et surtout des textes très riches. Et c'est ça qui semble compter pour George Harrison.

Les morceaux à retenir : "Give me love (Give me peace on Earth)", "The Light that has lighted the world", "Don't let me wait too long", "Living in the material world", "Try some, buy some".

lundi 18 janvier 2010

The Beatles - With the Beatles (1963)

Quelques mois seulement après la sortie de "Please Please Me", les Beatles sont de retour dans les bacs pour des fans à peine rassasiés.

C'est le rush, le buzz prend et il fallait être prêt à servir une nouvelle fournée de chansons au public. Encore une fois, on trouve un album composé avec, à peu près, une moitié de morceaux originaux et une moitié de reprises que les Beatles avaient l'habitude de jouer depuis longtemps en concert.

Même si contrairement au précédent, l'album n'a pas été enregistré en seulement une journée, les Fab Four n'ont eu besoin que de six petits jours (28 heures) pour le produire, dispersés entre juillet et octobre 1963. En effet, dehors c'est la folie, tout le monde veut les Beatles, ils tournent déjà partout à n'en plus pouvoir et pour calmer les ardeurs, il y a également moult singles qui sortent entre chaque album.

Pour changer aussi, pour la pochette, les Beatles font appel à un photographe renommé, Robert Freeman, qui leur offrira une photo de couverture qui fera date avec les Beatles en clair obscur, l'air sombre et tourmenté. Cette image correspond assez bien avec le contenu de l'album qui contraste entre sauvagerie et moments de douceur intense.

A l'intérieur, on retrouve de jolis photos de nos quatre garçons bien sages avec leurs petites coupes de cheveux et leurs petits costumes. L'attaché de presse Tony Barrow se charge des notes explicatives, reprenant chaque chanson une à une pour en délivrer une analyse enjouée.

C'est ainsi avec lui que nous allons écouter cet album qui est finalement un simple prolongement de "Please Please me".

- "It won't be long" (Lennon/McCartney) : Et un départ en fanfare pour cet album avec sans doute la chanson la plus rock du lot, avec des "Yeah" de partout. Tony Barrow parle du "traitement puissant" de Lennon et il a raison. Au chant, John est imbattable, très énergique. Lors des ponts, les choeurs derrière sont divins, tout en harmonie. La lead guitar de George est simple et efficace. Un vrai bon morceau d'ouverture qui cache toujours chez Lennon un texte assez mélancolique, sur un amour perdu qui finit par revenir. Ouf !

- "All I've got to do" (Lennon/McCartney) : On se rasseoit tranquillement avec le morceau suivant, beaucoup plus calme et ombrageux. C'est un morceau assez mineur et très méconnu de la longue liste de chansons des Beatles, dans un style américain selon Lennon qui voulait imiter Smokey Robinson. C'est une jolie chanson pourtant, avec un John chantant merveilleusement bien, toujours aussi ténébreux sur ces textes d'amoureux transis qui s'appellent au téléphone pour se dire des mots d'amour. Il y a aussi ce rythme un peu saccadé, qui s'accélère à certains moments pour ralentir abruptement ensuite, et des choeurs toujours aussi bien maîtrisés.

- "All my loving" (Lennon/McCartney) : Sans doute la chanson la plus connue de l'album ou celle qui a eu le plus de destinée ensuite puisque encore chantée récemment par Paul McCartney en concert. C'était la première fois qu'il écrivait une chanson en commençant par les paroles. Bien lui en a pris, cela a fait un carton. C'est assez compréhensible car le rythme est élevé, et Paul garde un air assez constant pendant toute la chanson, changeant rarement de mélodie. Dès qu'il le fait, on a de jolis choeurs derrière, suivis d'un petit solo country signé George. Lennon va peu à peu apporter son contre-choeur, donnant toujours un peu plus de profondeur au morceau. Le texte parle encore et toujours d'amour, avec un narrateur qui s'en va mais promet à sa dulcinée qu'il lui enverra son amour par tous les moyens possibles. Pas forcément mon morceau préféré mais il est efficace, c'est indéniable.

- "Don't bother me" (Harrison) : Et voici la première composition officielle de George Harrison à atterrir sur un album des Beatles. Un morceau déjà très personnel, qui sort un peu de ce fait son duo de collègues. En effet, les paroles sont assez dures, parlant d'amour, oui, mais en fait le narrateur rejette les avances d'une jeune fille, ne pouvant supporter que sa dulcinée précédente le quitte. C'est donc déprimant, rien ne pourra plus le rendre heureux. Comme le morceau précédent, la mélodie est quasiment la même tout au long de la chanson, plutôt relevée malgré tout et pas désagréable. On reconnaît déjà là un vrai style à lui. Un morceau mineur, certes mais qui porte déjà sa première signature.

- "Little Child" (Lennon/McCartney) : Harmonica, piano vif et c'est parti pour un tout petit morceau tout mignon et qui ne mange vraiment pas de pain. Les Beatles l'ont confessé, fallait bien le remplir cet album. Pas grand chose de génial derrière ce rock bien mené tout de même avec un énorme solo d'harmonica signé Lennon qui en est l'interprète principal. Lui qui appelle une jeune fille à danser avec lui parce qu'il se sent "triste et seul". Au départ, ce morceau était destiné à Ringo qui se chargera de chanter "I wanna be your man", à venir...

- "Till there was you" (Willson) : La première reprise de l'album. Pas commune. Il s'agit d'une chanson issue d'une comédie musicale écrite et composée par l'Américain Robert Meredith Wilson, intitulée "The Music man". A l'origine, elle est chantée, sur scène et dans le film qui suivit, par une femme. Il y eut différentes interprètes mais le morceau vint aux oreilles de Paul grâce à sa reprise par la chanteuse Peggy Lee. Il ne sut que bien plus tard que le morceau venait en réalité d'une comédie musicale, avec un texte très rose et poétique. Tout ça pour dire que les Beatles en furent les seuls interprètes masculins ! De plus, ils chantaient cette chanson dès leur passage à Hambourg, cela contribuait à calmer un peu les ardeurs. Il s'agit en effet d'un morceau très cool, relax, avec une version légèrement latino pour les Fab Four (avec guitares acoustiques et bongos pour Ringo). La version originale est beaucoup plus lente et symphonique, bref comédie musicale. C'est ainsi une vraie réinterprétation, originale et personnelle, avec un charmant solo de George Harrison, très technique et magnifiquement réussi. Paul apporte son timbre de voix chaud et rond. Hmmm... Divino...

- "Please Mister Postman" (Dobbins/Garrett/Holland/Bateman/Gorman) : Une autre reprise, back to the Motown que les Beatles ont souvent sollicité. Là encore, aucun problème à reprendre un morceau originellement chanté par un trip de demoiselles, les Marvelettes. Beaucoup de noms au générique parce qu'elle a été sans cesse remaniée par les patrons du label. A nouveau, les Beatles y apportent une touche personnelle beaucoup plus rock et imprimée. Lennon au chant principal, implorant le facteur de lui livrer une lettre de sa bien-aimée qui est si loin et qui lui manque tant... Aux choeurs, Paul et George rivalisent de "wooo" et autres vers complémentaires. Le tout pourrait être un peu plus énergique, surtout étant donné l'intro tonique, mais on a tout de même un bon morceau, efficace.

- "Roll over Beethoven" (Berry) : Complètement fans furieux de Chuck Berry, les Beatles l'ont repris sous toutes les coutures et notamment avec ce morceau phare, interprété avec vigueur par George. L'intro à la guitare est juste spldendide, reflétant à nouveau le toucher magnifique du plus jeune des Fab Four. Vocalement, cela reste un peu mesuré mais George est dedans jusqu'au bout, sans choeurs en plus ! Musicalement, c'est on ne peut plus rock'n'roll. Difficile de faire plus représentatif. Puis vient le solo échevelé de fin de course, parfait, et un dernier coda magnifique pour finir. Vraiment un morceau fondateur du rock. Le texte de Chuck Berry est vraiment une perle également, avec multiples références à d'autres morceaux rock d'Elvis, Perkins et cie. Surtout, il est très écrit, très énergique et dynamique. La version originale est toutefois plus bluesy que celle des Beatles. A part ça, rien à dire, c'est un mythe.

- "Hold me tight" (Lennon/McCartney) : A un monument succède malheureusement un morceau beaucoup plus mineur signé du tandem John-Paul. D'ailleurs, ils l'ont vite renié, le considérant comme un morceau de remplissage, qui, d'ailleurs, avait été mis à la corbeille de l'album précédent. Mais là encore, soyons un peu plus indulgent à l'écoute. Il y a du rythme, du tapement de mains, et une jolie énergie dans la voix de Paul, et des effets de choeurs intéressants. Le pont est cependant presque faux et sans grande saveur. Le texte est lui aussi simplissime, le narrateur demandant simplement à sa belle de le tenir fort dans ses bras. Et là, tout va bien...

- "You really got a hold on me" (Robinson) : Un classique du groupe masculin de la Motown, les Miracles, mené par le grand Smokey Robinson, dont les Beatles étaient de grands amateurs. Pour une fois, les Fab Four "respectent" assez l'original pour en donner une version proche. Les choeurs sont similaires, le chant principal de Lennon est puissant et magnifique. Un peu plus blues que l'original qui lorgne du côté de la soul, Motown oblige. Une bien jolie reprise donc, très respectueuse, avec George Martin aux claviers.

- "I wanna be your man" (Lennon/McCartney) : La tradition de donner un morceau à chanter à Ringo se poursuit ici avec ce titre très rythmé, mais qui malgré toute sa fougue n'est pas très emballant, sans doute trop pressé. Le narrateur insiste auprès d'une jeune fille pour être son "homme", mais à l'écoute, c'est presque du harcèlement ! Un titre pas vraiment très original, extrêmement répétitif et un peu trop confus en plus avec cette voix grave et ronde de Ringo. Loin d'un cadeau donc, du coup la chanson sera refilée dans le même temps à des Rolling Stones en mal de tubes pour leurs débuts. Pour le coup, leur version est bien mieux travaillée et intéressante là où celle des Beatles n'est que chaos et surexcitation. Un point faible de cet album.

- "Devil in her heart" (Drapkin) : Ecrite par un certain Richard Drapkin alias Ricky Dee pour un groupe Motown, The Donays, il s'agit à nouveau d'une chanson de filles reprise par nos Beatles mâles. Comme quoi ! Bon, ces dames n'ont eu que peu de succès, à peine ce single apparemment. Côté Fab Four, c'est George qui se colle au chant, avec sa voix de jeunot, avec ses deux compères derrière pour un dialogue assez intéressant. Ces derniers lui chantent que la fille qu'il aime a "le diable dans son coeur", tandis que lui répond en disant qu'il ne peut y croire, qu'elle est un ange, etc. C'est la seule originalité d'une chanson qui n'a pas grand intérêt autrement. Leur version, mignonne, est assez proche de l'originale, toujours avec ce côté vaguement latino avec Ringo aux maracas.

- "Not a second time" (Lennon/McCartney) : Dernière composition originale de l'album, c'est une chanson qui fait partie de mes préférées de l'opus. Elle a ce rythme plutôt soutenu malgré un texte assez dur et triste puisque le narrateur rejette les avances d'une dulcinée qui l'a déjà fait souffrir dans le passé. Il ne se fera donc pas prendre "une deuxième fois". Le piano de George Martin vient accompagner et soutenir une mélodie vraiment plaisante chantée par John qui dit s'être inspiré de Smokey Robinson. Le solo de ce même piano est vraiment joli. Un excellent jeu de batterie est également à noter.

- "Money (That's what I want)" (Bradford/Gordy) : Pour terminer, un gros gros tube de la Motown (le premier), co-écrit par Berry Gordy lui-même, et interprété par l'excellent Barrett Strong. La version originale de 1959 est vraiment extra, les Beatles la suivent respectueusement, Lennon donnant tout ce qu'il a dans le chant, s'arrachant les cordes vocales, comme dans "Twist and Shout". Les choeurs sont très très soul, et musicalement, c'est rock, très rock, et très bon, notamment avec ce piano qui introduit à merveille le morceau. Côté texte, c'est complètement indécent, le narrateur hurlant qu'il préfère l'argent à l'amour et que son seul intérêt dans la vie est donc le fric. Un beau message. Un peu comme pour "Please Please Me", les Beatles ont voulu clore avec un titre énergique et efficace. Mission parfaitement remplie.

Avec "With the Beatles", les Fab Four poursuivent leur belle fuite en avant, riche de succès. Nous n'avons pas encore un véritable album, bien homogène, avec une vraie personnalité, mais côté musical et vocal, on sent que ça monte, qu'il y a de plus en plus d'assurance.

Si les reprises choisies sont intéressantes et plutôt bien choisies, on ressent encore un manque de maturité dans les compositions originales. La plupart d'entre elles ne valent pas des singles, sont du remplissage et cela affaiblit forcément un peu l'album. Pas sûr donc que le tout ait une très grande valeur, mais il reste cette fougue, cet entrain et ce talent indéniable pour ce qui est de la musique et du chant purs. Et c'est déjà très important...

En tout cas, pas d'inquiétudes, les mois vont passer encore très rapidement et le prochain album ne sera que tout meilleur...

Les morceaux à retenir : "It won't be long", "Don't bother me", "Please Mister Postman", "Roll over Beethoven", "Not a second time", "Money (That's what I want)".